Cyril Ramaphoso a réussi à se faire élire à la tête de l’ANC. De justesse, car il ne devance son adversaire, Mme Dlamini Zuma que de 179 voix. Ce qui veut dire que le parti de Mandela est divisé en deux factions totalement opposées et qui se sont combattues férocement pour contrôler l’ANC. Le vainqueur ne sort pas renforcé de l’épreuve. Au contraire !

Il hérite d’une formation politique plus que centenaire et qui subit de plein fouet l’usure du pouvoir qu’il exerce depuis 1994. L’échec retentissant des élections municipales avec la perte de la ville de Johannesbourg notamment avait déjà démontré la perte de vitesse du vieux parti. Auparavant les nombreuses fractures et sécessions avaient déjà beaucoup affaibli l’ANC.

Evidemment tout cela est lié à la gestion du pouvoir et aux appétits qu’elle suscite au sein des leaders. Il y a aussi les attaques sournoises de la minorité blanche qui contrôle toujours l’économie nationale, y compris la majorité des terres cultivables. Ramaphosa, nouveau patron de l’ANC et futur président du pays-si tout se passe comme prévu- a des défis redoutables à relever.

D’abord pour panser les blessures nées de la campagne électorale. Ce ne sera pas facile car il a été trop loin jusqu’à reprendre les accusations de viol portées contre Zuma qui avait été disculpé par la justice. Ramaphosa lui-même avait été associé à un scandale à caractère sexuel. Ensuite pour garantir à Zuma et à ses amis la tranquillité lorsqu’ils quitteront le pouvoir.

Sur ce plan, la tâche est plus ardue dans la mesure où Ramaphosa s’est fait le champion de la lutte anti-corruption. Ce rôle de composition lui a valu le soutien des milieux financiers et donc des Blancs qui y sont largement majoritaires. Et dont il fait partie lui-même en tant que multimillionnaire. Sa fortune personnelle est estimée à plus de 400 millions de dollars.

Cette richesse conquise par un homme parti de presque rien va faire l’objet de beaucoup d’investigations. Il faut souhaiter pour Ramaphosa et pour l’ANC qu’on ne trouve rien de répréhensible dans la « success story » du successeur de Zuma. Pour l’action de rassemblement, Ramaphosa a conscience de l’urgence d’engager le combat et l’a mis en exergue dans son discours de clôture du congrès. Il a aussi proposé qu’il soit possible « d’exproprier les Blancs qui possèdent les terres sans leur octroyer de compensation ».

Si cette option devait être traduite en acte les milieux financiers et tous les nostalgiques de l’Apartheid vont s’y opposer. Ramaphosa a–t-il le choix ? Comme Mugabé avant lui, il est dans l’obligation d’imposer la justice sociale en Afrique du Sud. La seule indépendance formelle ne suffit pas si les Noirs sont toujours spoliés de leurs terres et écrasés par la pauvreté dans leur immense majorité.

Les campagnes de communication violentes contre Zuma dans la presse occidentale ont cherché à le discréditer parce qu’il est un patriote authentique. Qu’il ait fait des erreurs, bien sûr !

Mais s’il bénéficie du soutien d’une partie non négligeable de la communauté noire ; c’est qu’il a bien travaillé pour promouvoir l’éducation, la santé et de nombreux autres secteurs sociaux en faveur de la majorité noire. Il n’a pas cherché à faire plaisir aux Blancs. Il a eu raison !

Ramaphosa, homme riche et noir en Afrique du Sud a certes beaucoup d’atouts pour faire progresser le pays. À condition qu’il soit courageux et patriote et qu’il mette la question de la justice sociale au rang de priorité des priorités.

La discrimination positive seule permettra à la majorité noire de rattraper des décennies d’Apartheid et des siècles de domination coloniale d’une brutalité absolue. Ce n’est pas l’heure de la vengeance qui sonne mais celle de la justice au profit de ceux dont les ancêtres, les grands-pères et grands-mères ont vécu l’enfer sur le sol de leurs aïeuls.

Ramaphosa n’a pas encore partie gagnée car s’il n’arrive pas à rassembler l’ANC ; il ne pourra pas gagner en 2019. Et pour ce faire, il faut qu’il donne des gages à Zuma qui compte trois fidèles sur six au sein de l’instance suprême de décision du parti.