Les déclarations du président Emmanuel Macron, selon lesquelles les dirigeants africains auraient « oublié de dire merci » à la France pour son intervention militaire au Sahel, continuent de provoquer un tollé. En Afrique comme en France, ces propos sont dénoncés comme relevant d’un « paternalisme néocolonial » et d’un « mépris » à l’égard des pays africains.

Des réactions virulentes en Afrique

Le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno a vivement critiqué les paroles de son homologue français. « Ces propos frisent le mépris envers l’Afrique et les Africains. Je crois qu’il se trompe d’époque », a-t-il déclaré lors d’une cérémonie au palais présidentiel, soulignant que la décision de mettre fin à l’accord de coopération militaire avec la France relevait exclusivement de la souveraineté du Tchad.

Au Sénégal, le Premier ministre Ousmane Sonko a également fustigé les propos de M. Macron. « La France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté », a-t-il déclaré, rappelant les conséquences désastreuses de l’intervention française en Libye sur la stabilité de la région.

Ces critiques se sont amplifiées dans les médias locaux, certains journaux évoquant un « recadrage » de M. Macron par les dirigeants africains. Mandoumbé Mbaye, enseignant sénégalais, a exprimé l’exaspération de nombreux Africains face à un « discours paternaliste » : « Il faut que la France et l’Occident apprennent à voir l’Afrique autrement. »

Une défense maladroite en France

En France, la gauche radicale, incarnée par La France insoumise (LFI), a également condamné les propos du président. Dans un communiqué, le parti a dénoncé un « aveuglement qui confine à la folie » et une vision « colonialiste intolérable ».

De son côté, une source diplomatique française a tenté de nuancer les déclarations de M. Macron, affirmant qu’elles visaient principalement les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), notamment le Mali. Elle a souligné les sacrifices consentis par la France dans cette région, avec 58 soldats morts en moins de dix ans. « Oui, il y a une déception. Mais la leçon est claire : il faut désormais adopter une approche transactionnelle et cesser d’être perçus comme les seuls responsables », a-t-elle conclu.

Un contexte de tensions croissantes

Les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines sont de plus en plus tendues. Après le retrait militaire du Niger, du Mali, de la Centrafrique et du Burkina Faso entre 2022 et 2023, le Sénégal et le Tchad ont annoncé le mois dernier le départ des troupes françaises de leur territoire.

L’opération Barkhane, qui mobilisait jusqu’à 5 000 soldats français, a été officiellement arrêtée fin 2022. Depuis, plusieurs de ces pays se sont tournés vers Moscou pour établir de nouvelles alliances stratégiques, marquant un basculement dans leur politique étrangère.

Vers une redéfinition des relations France-Afrique

Alioune Tine, figure de la société civile africaine, appelle à « réinventer ensemble des relations saines » entre l’Afrique et la France. Selon lui, cela passe par un dialogue basé sur le respect mutuel et la souveraineté des États.

Alors que le retrait progressif des forces françaises redéfinit les équilibres sécuritaires au Sahel, cette polémique met en lumière les attentes croissantes des Africains envers des relations moins intrusives et davantage axées sur un partenariat équitable.