Ce n’est pas demain la veille que la région des Grands Lacs va connaître la paix, la sécurité et le développement. Bien malheureusement !
Divisions territoriales artificielles figées par le partage colonial, conflits ethniques historiques attisés par les envahisseurs occidentaux, exactions violentes multiples des différents régimes successifs dans les différents pays, dictatures sanglantes et rebellions sanguinaires, Etats impuissants et dirigeants kleptocrates… Tous les ingrédients du chaos qui y perdure sont non seulement réunis, mais semblent se renforcer chaque jour davantage.

Une région sans espoir ?

Cette région est-elle donc sans espoir ? Evidemment non. Lorsque la communauté internationale a voulu y mettre de l’ordre,cela s’est plutôt bien passé.
Citons le cas de l’organisation de l’élection présidentielle en RDC en 2006. La quasi totalité du territoire, grand comme toute l’Europe de l’Ouest, n’a pas eu à souffrir de heurts. Il a tout de même fallu d’énormes moyens pour organiser le scrutin et sécuriser l’ensemble du pocessus. Des milliers de casques bleus de l’ONU et des centaines de millions de dollars – le chiffre de un demi-milliard de dollars a été avancé – octroyés par les Occidentaux ont été nécessaires.

Aujourd’hui élu, le président Joseph Kabila est face à ses propres responsabilités. Va-t-il respecter la limitation des mandats et s’effacer à la fin de l’année? Ou cherchera-t-il à retoquer la Constitution pour se maintenir au pouvoir ?
Le bon sens politique devrait l’inciter à préparer sa sortie. Mais ce qui se passe dans d’autres pays de la région pourrait l’amener à se laisser tenter.

Vague de troisièmes mandats

Paul Kagamé vient d’organiser un référendum pour changer la constitution du Rwanda afin de pouvoir briguer un nouveau mandat en 2017, et se maintenir au pouvoir jusqu’en 2035.
Le président du Burundi, Pierre Nkurunziza s’est octroyé un troisième mandat par la force et fait fi des mises en garde de la communauté internationale. La situation sur le terrain est si sanglante, avec des massacres quotidiens, que l’Union Africaine (UA) a décidé d’envoyer 5 000 soldats sur place pour garantir la sécurité des populations. Le président Nkurunziza s’y oppose et la tension reste extrême.
De l’autre côté du fleuve Congo, Denis Sassou Nguesso a lui aussi organisé son référendum pour pouvoir se présenter à un troisième mandat. Ce avec l’accord tacite du président français François Hollande qui n’a pas condamné l’organisation du référendum. Sassou ne va donc pas reculer.
En Ouganda, il n’est pas question pour Yoweri Museveni de quitter le pouvoir ou même de céder à la tentation démocratique. Autocrate dans l’âme, il va rester jusqu’au bout.

Franchir le pas

Dans ce contexte chaotique, Kabila fils va-t-il lui aussi franchir le Rubicon du 3ème mandat ? Il essaie de repousser la date de la prochaine élection, ce qui indique au moins une volonté de gagner du temps.
Ses opposants qui se sont récemment réunis dans l’Île de Gorée au Sénégal semblent déterminés à vouloir imposer l’ordre constitutionnel et donc la limitation des mandats présidentiels.

Régime fragile et colosse aux pieds d’argile

Le président Kabila a-t-il les moyens d’imposer l’épreuve de force ? Oui et non, car si une partie des forces armées lui est fidèle, la totalité ne l’est pas. Des rebellions actives et d’autres dormantes exisent par ailleurs dans différentes régions de la RDC comme le Kivu et le Katanga.
Il y a aussi la main des puissants voisins comme Kagamé. Le président rwandais ne se gêne pas pour aller puiser, par rebelles interposés, dans les richesses minières de son voisin, grand certes par son territoire mais si limité dans sa puissance de feu et sa cohésion administrative.

Triste géopolitique et cupidités diverses

Ce bref survol de la situation géopolitique de la région des Grands Lacs n’incite pas à l’optimisme en 2016. La démocratie y est encore balbutiante car les différents autocrates locaux sont non seulement récalcitrants mais franchement hostiles.
Les successeurs des Idi Amin et Mobutu sont aussi grisés par le pouvoir que leurs lointains prédécesseurs.

Les richesses inouies de la région attirent également les chasseurs de primes, mercenaires, charlatans et autres vendeurs de sable du monde entier.
Pour arriver à leurs fins, ils jouent sur les conflits internes existants ou en suscitent de nouveaux.
Le niveau très élevé de corruption dans la région est parfaitement compréhensible. Il est à la hauteur des enjeux économiques colossaux liés à l’exploitation du coltan, des diamants et de multiples autres richesses minières fabuleuses.

Et si… l’intégration économique ?

Avec des Etats centralisés faibles, les pays des Grands Lacs n’ont pas les moyens politiques de sortir de l’ornière. Une véritable intégration économique et politique est le seul chemin pour bâtir un avenir de paix, de sécurité et de prospérité pour les populations.
Hélas les leaders actuels de la région n’ont pas l’ambition sincère de s’y investir, faute de conviction démocratique et de vision panafricaniste.