La presse africaine est dans l’impasse

Avec des revenus qui s’effondrent et des coûts qui augmentent, l’industrie des médias sur le continent africain, déjà extrêmement précaire, est frappée de plein fouet par la crise économique et la pandémie de coronavirus.

The Punch et Vanguard, deux des plus grands quotidiens au Nigeria, ont annoncé fin mai des coupes budgétaires drastiques qui passent notamment par des dizaines de licenciements au sein de leurs rédactions.

« Ce qui se passe au Nigeria ne nous est pas spécifique. Le monde entier en ressent les effets », explique Qasim Akinreti, le président de l’Union des journalistes de Lagos, cité par l’AFP. « Nous avons perdu des centaines d’emplois au cours des quatre derniers mois », poursuit-il.

Au Kenya, certains médias ont réduit les salaires de moitié; en Ouganda, une imprimerie majeure d’hebdomadaires a cessé ses activités; en Namibie, les horaires ont été réduits et les plans de licenciement se sont accélérés.

Face à la rapidité et la gravité de la crise, les appels à l’aide des médias aux gouvernements se sont multipliés. En réponse, le Kenya a dévoilé vendredi la création d’un fonds spécial d’environ 900.000 euros qu’elle qualifie d’ « historique » pour aider quelque 150 diffuseurs à traverser la tempête.

Au Cameroun, des journaux privés ont même organisé une journée « presse morte » pour dénoncer l’absence de réaction des pouvoirs publics. Les responsables du principal syndicat des journalistes nigérians ont également exhorté le président Muhammadu Buhari à mettre en place une aide d’urgence aux médias en détresse.

Mais beaucoup craignent que cette situation de dépendance ne fasse qu’accroître l’ingérence politique au sein du quatrième pouvoir, déjà souvent infiltré par de puissants intérêts en Afrique.

La propagation du virus n’a pas fait seulement fait chuter les revenus, elle a également posé des défis logistiques sans précédent aux médias. Si les chiffres officiels font état d’un peu plus de 5.000 décès sur le continent, sur un total de plus de 400.000 dans le monde, les gouvernements ont néanmoins imposé des mesures préventives strictes.

Le confinement a compliqué les reportages, et contraint les journalistes à télétravailler dans des conditions difficiles, à cause des pénuries récurrentes d’électricité ou de services internet défaillants. Sur le terrain, plusieurs incidents impliquant les forces de sécurité harcelant les journalistes qui tentaient de faire leur travail ont été recensés.