Le Kenya a finalement décidé de ne pas plaider devant la Cour internationale de justice de la Haye, hier lundi, à l’ouverture du procès dans le conflit maritime qui l’oppose à la Somalie, concernant la délimitation de leur frontière maritime. Les deux pays voisins se disputent une zone de 100 000 km2 riche en pétrole et en gaz, mais également en poissons. Les avocats de Mogadiscio étaient seuls à exposer leurs arguments devant la Cour, dans ce procès qui devrait durer une dizaine de jours.
Les journaux kényans avaient déjà indiqué, dimanche, que le gouvernement de Nairobi avait décidé de ne pas participer aux débats, hier lundi, citant «la perception de partialité et de réticence» de la CIJ «à répondre aux demandes de report des audiences» en raison de la pandémie. Cela s’est confirmé avec le refus de Nairobi de participer aux procédures, hier.
Dans une lettre de deux pages envoyée au greffe de la Cour, jeudi dernier, le ministre kényan de la Justice expliquait cette décision par : les contraintes techniques liées à la situation sanitaire, les retards dans la préparation des audiences étant donné la pandémie, mais aussi la présence sur le banc des juges de la CIJ d’un Somali, Abdulqawi Ahmed Yusuf.
Nairobi demande, ainsi, seulement 30 minutes pour exposer oralement ses arguments. Mais la Cour n’avait pas réagi à cette requête, hier, de même que la Somalie.
Les avocats de la Somalie étaient donc seuls à plaider, lundi, devant les chaises vides réservées au Kenya, rapporte RFI. Et c’est le juriste français Alain Pellet, ancien président de la Commission du droit international de l’ONU, qui a démarré les débats, démentant l’argument principal du Kenya, selon lequel la frontière maritime est déjà délimitée par l’« accord tacite » de la Somalie, manifestée par son silence jusqu’en 2014 sur la question.
Le professeur Pellet et l’avocate française, Alina Miron, qui l’a suivi, ont évoqué le Droit international, la jurisprudence de la Cour et les précédents historiques, pour démontrer que, juridiquement, l’argument kényan ne tient pas la route. Maître Alina Miron, l’a même qualifié de « fantaisiste ».
A leur suite, l’avocat britannique, Philippe Sands, a démontré que la thèse Kenyane était aussi contradictoire avec ses propres actions et déclarations, et même avec la loi kenyane et des documents officiels de l’État kényan.
Pour la Somalie, sa frontière maritime avec le Kenya suit le tracé de la frontière terrestre, en s’enfonçant dans l’océan vers le Sud-est. De son côté, le Kenya affirme que sa frontière avec la Somalie suit une latitude horizontale d’Ouest en Est. Dans le triangle entre les deux tracés, se trouvent 100 000 km² de territoire maritime et au moins trois blocs sous-marins renfermant du pétrole et du gaz, mais également très riches en poissons.
Le conflit dure depuis près de sept ans et c’est la Somalie qui en est à l’origine. En effet, le 28 août 2014, elle introduisait auprès de la Cour internationale de justice de La Haye une « instance » contre le Kenya sur un « différend relatif à la délimitation maritime dans l’Océan indien ».
Les audiences reprendront ce mardi après-midi, avec la suite des plaidoiries de la Somalie, et devraient se poursuivre jusqu’au 24 mars. Dans tous les cas, la décision de la CIJ aura un enjeu économique important pour les deux pays.