Faisant suite au président indien Pranab Mukherjee, le premier ministre Narendra Modi a entamé jeudi un périple sur le continent africain pendant lequel il va visiter le Kenya, l’Afrique du Sud, le Mozambique et la Tanzanie. C’est la première visite du chef de l’exécutif indien sur la partie continentale de l’Afrique, ayant déjà fait une tournée aux Seychelles et en Ile Maurice l’année dernière.

Le choix des quatre pays s’explique par la présence d’une forte diaspora indienne notamment en Afrique du Sud où ils sont au nombre de plus d’un million et demi, mais aussi au Kenya et en Tanzanie. Le Mozambique intéresse pour sa part l’Inde à cause de ses mines de charbon et son gaz.

Forte diaspora indienne et marché prometteur

L’approvisionnement en matières premières et en hydrocarbures est l’objectif numéro un du chef du gouvernement de New Delhi dont le pays dépend beaucoup du continent africain dans ce domaine.
C’est pourquoi des investissements d’un montant global de trente milliards de dollars sont engagés en Afrique, qui est aussi un marché très prometteur pour les produits manufacturés indiens.
Le chiffre d’affaires global du commerce indo-africain atteint soixante-dix milliards de dollars. C’est important et les perspectives de croissance sont très grandes.

Il y a aussi et surtout que l’Afrique est devenue un lieu de compétition économique et politique entre l’Inde et sa grande rivale la Chine.
Pour le moment, malgré les efforts consentis, l’Inde accuse beaucoup de retard par rapport à la Chine qui s’est hissée au premier rang des partenaires économiques de l’Afrique avec des investissements qui atteignent 222 milliards de dollars en 2015.

L’Inde essaie de rattraper ce retard depuis l’organisation du premier sommet Inde-Afrique qui attire maintenant la quasi–totalité des leaders africains qui étaient au nombre de cinquante à avoir participé au troisième sommet qui s’est tenu en 2015.

Retard à rattraper sur la Chine

Premier ministre depuis 2014, Narendra Modi a opté pour la mise en œuvre conséquente d’une politique de développement des relations économiques entre son pays et le continent africain.
Contrairement à la Chine, l’Inde peut compter sur une diaspora dynamique et des relations historiques qui datent de l’époque héroïque de la lutte anti-coloniale.

L’Inde a des liens spécifiques avec l’Afrique du Sud par exemple, où a vécu Gandhi. Il s’y ajoute que le gouvernement indépendant de l’Inde de 1947 à 1994 a refusé de nouer des relations avec le pouvoir raciste de l’Apartheid. Sur le plan politique, c’est un atout que New Delhi peut exploiter avec intelligence.
Il y aussi les héritages culturels nombreux que l’Afrique et l’Inde ont en partage et qui devraient renforcer la coopération entre les deux partenaires.

Mais il y a aussi malheureusement les actes racistes que les Africains subissent en Inde et qui sont révoltants. Les autorités indiennes doivent prendre des mesures courageuses pour y mettre fin en appliquant la loi et en mettant l’accent sur l’éducation pour combattre les préjugés.
Le problème est que le parti nationaliste de Narendra Modi flirte avec la xénophobie – voire pire – pour des raisons bassement électoralistes. L’Inde des castes et des inégalités criardes fait tache sur celle qui se revendique « la plus grande démocratie du monde ».

Cette question des agressions racistes subies par les africains pourrait dégénérer et plomber les relations entre l’Inde et l’Afrique si on n’y prend garde.

Africains agressés en Inde

Le premier ministre Modi voudrait faire silence sur cela et il aurait tort d’agir ainsi. Un leader doit assumer et agir pour défendre les intérêts de son pays qui, bien compris, exigent de la part de ses citoyens de respecter ses hôtes. L’image de l’Inde est en jeu.

Narendra Modi va se concentrer sur le business, notamment au Mozambique qui compte pour un quart des investissement indiens sur le continent avec 8 milliards de dollars. Il va aussi essayer de redynamiser l’association des Etats riverains de l’océan indien (IORA) pour mettre en exergue leur avenir commun. New Delhi a ici un levier politique que Pékin n’a pas en Afrique. Il pourrait l’utiliser à bon escient.

Mais ce n’est pas demain la veille que les pays africains vont lâcher la Chine pour l’Inde. Ils ne le feront pas. Ils vont coopérer avec les deux pour en tirer le meilleur parti.

Comme pendant la guerre froide l’intelligence politique commande de jouer pour défendre ses intérêts. Les Etats n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts.

 

 

Crédit image : © Balatokyo – Travail personnel, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons.