Le président Alpha Condé.

Les accusations d’Alpha Condé contre le Sénégal, qui comploterait contre son régime et servirait de base arrière à ses opposants, ne semblent même pas convaincre dans son propre pays. La classe politique guinéenne a unanimement désavoué les nouveaux dérapages du chef de l’Etat guinéen.

En tournée dans un projet agricole financé par le Maroc, à Tormélin, dimanche, Alpha Condé s’en était pris au Sénégal, qu’il a accusé de servir de base arrière à ses opposants et de comploter contre son régime. « Vous avez vu ce qui se passe chez ceux qui souhaitent voir notre pays brûler. Moi je ne suis contre personne. Depuis que je suis président, je n’ai jamais accepté qu’un opposant vienne calomnier un président et son gouvernement chez moi. Tout le monde sait que tous ceux qui nous insultent, tous les complots se font à Dakar », avait notamment déclaré Alpha Condé, pour justifier la fermeture unilatérale des frontières avec le Sénégal et tous les pays voisins de la Guinée, avant l’élection présidentielle du 18 octobre dernier.

La réaction de la classe politique guinéenne n’a pas tardé, pour se désoler de cette nouvelle sortie de route d’Alpha Condé, qui interdit également à tous ses opposants de quitter la Guinée depuis cette période.

Le leader de l’UDRG, Bah Oury, a fait plusieurs sorties dans la presse guinéenne pour fustiger la sortie du président guinéen.

« C’est une justification a posteriori de la fermeture de la frontière entre le Sénégal et la Guinée, d’une part, et entre la Guinée et la Guinée-Bissau d’autre part. Beaucoup de personnes, et non des moindres, insistent sur la nécessité de la réouverture des frontières parce que cela a un impact extrêmement préjudiciable à l’économie de notre pays et nos populations respectives. C’est pour justifier cela que le président de la République a fait allusion à Dakar, comme un centre privilégié de tous les complots qui ont pu exister par le passé », a déclaré l’homme politique à guineenews.

Dans un entretien accordé à africaguinee, le leader de l’Union des démocrates pour la Renaissance de la Guinée (UDRG) déclare qu’« en aucune manière, le Sénégal ne peut jouer un rôle dans le sens d’une déstabilisation de la Guinée ».

« La fermeture prolongée de la frontière joue un impact extrêmement préjudiciable à l’économie nationale et à la qualité des relations entre nos deux pays », a ajouté l’ancien ministre de la Réconciliation, parlant d’« accusations construites sur le néant ».

« En 1991-1992, le Sénégal avait contribué à exfiltrer Condé lorsqu’il s’était réfugié dans son ambassade »

« Tout au contraire, ils ont une attitude de tolérance, une culture d’accueil qui font que certains opposants, et non des moindres, peuvent aller et venir », a souligné Bah Oury, parlant du Sénégal, avant de rappeler : « Lui (Alpha Condé, ndlr) aussi, avait bénéficié par le passé de cet environnement de tolérance et d’hospitalité que les autorités sénégalaises, depuis le président Senghor, ont toujours accordé à tous les guinéens, quel que soit le sens de leur opinion. Nous sommes tous, de près ou de loin, redevables à ce pays, qui, dans des circonstances difficiles a accueilli des milliers et des milliers de nos compatriotes. Ils ont contribué à faire exfiltrer le candidat Alpha Condé en 1991-1992 lorsqu’il s’était réfugié à l’ambassade du Sénégal. Ils ont joué un rôle extrêmement important dans la préservation de ses intérêts politiques. Il, (Alpha Condé, ndlr) a des amitiés assez profondes et longues avec la plupart des officiels sénégalais. Je pense que de tous les chefs d’Etat guinéens, depuis l’indépendance jusqu’aujourd’hui, il est le plus sénégalais de tous ».

La Guinée boycottée par ses voisins ?

Le président du parti Union des Forces Démocratiques, (UFD), député à l’Assemblée nationale, Mamadou Badicko Bah, déplore également les propos d’Alpha Condé qui vont à l’encontre de l’intégration africaine selon lui.

« L’impact de la fermeture de la frontière guinéo-sénégalaise touche les deux peuples avec des conséquences. Par exemple, le problème du barrage Souapiti, nous avons appris de sources non officielles que le Sénégal aurait dit qu’il n’est plus acheteur du courant produit à Souapiti alors que, c’était un projet d’envergure régionale. Que le Mali aurait dit qu’il a d’autres solutions et que la Côte d’ivoire, elle aussi aurait dit qu’elle est prête à nous vendre du courant si on en veut. Tout cela est de très mauvais augure pour l’intégration régionale. C’est pourquoi, il faut que les responsables des différents pays résolvent leurs différends et qu’ils laissent les populations vaquer à leurs occupations », a-t-il confié à guineenews.

« Le président Alpha Condé ne devait pas tomber dans ces genres de déclarations. Ce n’est même pas bon pour un chef de cabinet à plus forte raison un chef d’Etat », a regretté un Sénégalais interrogé par la même source, rappelant que près de quatre millions de Guinéens vivent aujourd’hui au Sénégal.