C’est un certain 17 décembre 2010, que le jeune vendeur de légumes, Mohamed Bouazizi de la bourgade de Sidi Bouzid, s’est immolé par le feu, en guise de protestation contre les conditions de vie précaires des populations tunisiennes en général, et de la jeunesse en particulier. Une vague de contestations générales, s’en est suivie, laquelle a fini de déboulonner le tout puissant Zine Al-Abidine Ben Ali.
Le 25 janvier 2011, l’effet domino se fait sentir en Égypte, où les populations ont pris d’assaut la Place Tahrir (libération) et déclenchent un sit-in prolongé qui emporta le Raïs Hosni Moubarak et son pouvoir. La Libye de Kadhafi n’était pas épargnée, la révolte populaire, encadrée par des mains étrangères a eu raison du “Guide de la Révolution“.
Depuis, quelques mois, l’Algérie et le Soudan entrent dans la danse. Bouteflika et Omar El-Bachir ont été contraints de quitter le pouvoir. Qui de l’Armée ou du peuple va leur succéder ? Les faits sont d’une récurrence et d’une similitude telle qu’on ne pourrait imaginer qu’ils relèvent du hasard ou qu’il s’agit d’une simple coïncidence.
La Tunisie sous Ben Ali, était souvent présentée comme un modèle de réussite économique, tout comme Moubarak était considéré comme un guide qui avait réussi à mettre l’Égypte sur les rampes de l’émergence. Tout d’un coup, le suicide prémédité d’un jeune vendeur de légumes âgé de 26 ans, provoque la colère de ses concitoyens et par ricochet, la chute d’un régime, jadis considéré comme l’un des plus solide du continent.
Zine Al-Abidine Ben Ali a pris la fuite, sous la clameur des populations désarmées. En Égypte, les conditions de vie, difficiles certes, ont servi de prétexte aux occupants de la Place Tahrir, pour déloger le grand Raïs du Palais présidentiel. Devant l’intransigeance des manifestants, le Pharaon cède aux cris de “Moubarak dégage” !
La Libye, sous Kadhafi, n’a pas eu un meilleur sort. Déclenchées le 15 février 2011, les manifestations de Benghazi ont fait tache d’huile et s’étendent sur Al-Baïda avant de se propager dans le reste du pays. La prise de l’aéroport de Misrata par la rébellion, appuyée par la communauté internationale en mai 2011, a facilité l’avancée de la rébellion vers Tripoli et la prise du QG de Kadhafi, en fuite. Le “Guide” fut tué le 20 octobre 2011 à Syrte, dans une embuscade rocambolesque où les forces françaises auraient pris une part active.
En Algérie, alors que la candidature de Bouteflika se profilait à l’horizon, le peuple déclenche des manifestations monstres contre une telle candidature, depuis le 22 février 2019. Abdelaziz Bouteflika reporte la date de la présidentielle pour deux ans et renonce à sa candidature.
Non satisfaits, les manifestants intensifient la pression et poussent Bouteflika à la démission, le 2 avril 2019. Remplacé provisoirement au pouvoir par son acolyte Abdelkader Bensalah, président du Sénat depuis 20 ans, le “Hirâk cha’bi” (mouvement populaire) se poursuit de plus belle, sous les cris de “Boutef et acolytes, dégagez“.
Selon les manifestants, les hommes du Système Bouteflika “cherchent à narguer le peuple en brandissant l’autre face de la même pièce“. Aujourd’hui, personne ne sait où va l’Algérie, avec cette fronde d’une jeunesse devenue, de plus en plus, exigeante.
Dans un autre pays de l’Afrique arabe, le Soudan, une banale augmentation du prix du pain a donné lieu à des manifestations populaires qui ont contraint l’Armée à déposer le président Omar Hassan El-Bachir, au pouvoir depuis juin 1989. L’on dit que la plupart des manifestants n’ont connu au Soudan qu’El-Bachir comme président.
Il a vite été remplacé par un Comité militaire de Transition, dirigé par le ministre de la Défense et Vice-Président d’El-Bachir, le général Awad Ibn Owf. Le Comité comprend 13 membres, tous issus des services de la défense et de la sécurité. Ils promettent des élections dans deux ans et se disent prêts à ouvrir une série de négociation avec les partis politiques et les membres de la société civile.
Naturellement, les institutions de la république sont suspendues et un couvre-feu est déclaré dans l’ensemble du territoire de 22h à 4h du matin. Là aussi, le jeu de dupes entre les militaires et les manifestants n’a pas encore révélé tous ses secrets.
En attendant, les manifestations se poursuivent et s’intensifient en réclamant le départ des hommes de l’ancien régime, qui semblent constituer l’ossature du Comité militaire de Transition. Ces 4 pays arabophones d’Afrique ont ceci de commun : Ils étaient tous dirigés par des dictatures militaires, qui gouvernaient leurs pays respectifs en vase clos.
La mondialisation est venue déverrouiller des systèmes jusque-là opaques. La reconfiguration géostratégique aidant, “les coups d’État new look” se font désormais sous le couvert des manifestations populaires.