Le soutien au président soudanais Omar El-Béchir semble se lézarder au sein de l’armée, un des piliers du régime, selon les observateurs. Le président soudanais est confronté à une pression populaire de plus en plus forte pour obtenir son départ.
L’armée soudanaise a pris soin de ne pas intervenir depuis le début de cette crise. Mais mardi, des soldats se sont mêlés à la foule réunie devant le QG des militaires, dansant et chantant. Certains soldats ont été portés par les manifestants, tandis que d’autres ont tiré en l’air lorsque le puissant service de renseignement NISS a tenté de disperser les contestataires.
« Il s’agit là d’un soutien évident, qui est perçu comme une cooptation du mouvement de contestation », estime Magdi al-Gizouli, analyste du Rift Valley Institute, un groupe de réflexion qui se concentre sur l’Afrique de l’Est et centrale, cité par l’AFP. Selon Gizouli, « les événements du 6 et 7 avril ont réhabilité l’autorité morale de l’armée et affirmé son poids politique ».
Depuis le 6 avril, des milliers de Soudanais campent devant le quartier général de l’armée à Khartoum pour appeler les militaires à rejoindre leur mouvement, qui exige depuis quatre mois le départ du président soudanais Omar El-Béchir.
Lundi, les groupes à la tête du mouvement de protestation, dont l’Alliance pour la liberté et le changement, ont appelé l’armée à tenir des pourparlers sur la formation d’un gouvernement de transition.
L’absence d’intervention de l’armée contre les manifestants devant un site militaire sensible révèle le mécontentement au sein des rangs de l’institution militaire, affirment les analystes. « L’armée a toujours été la clé du succès définitif d’un soulèvement », rappelle Eric Reeves, chercheur spécialiste du Soudan à l’université américaine de Harvard, cité par l’AFP. « Et il y a eu de nombreux signes de désaffection au sein de l’armée », explique-t-il. « Les rangs les plus bas sont en colère (à l’idée) de devoir tuer des Soudanais ».
« Reste à savoir combien de temps l’armée restera fidèle à El-Béchir », remarque Murithi Mutiga, du centre de réflexion International Crisis Group spécialisé dans la question des conflits. « Étant donné les signaux contradictoires venant des hauts gradés de l’armée, M. El-Béchir pourrait devoir gérer la transition plus tôt que prévu », ajoute-t-il.
Pour rappel, la mobilisation des manifestants soudanais, qui a repris après s’être tassée lors de l’instauration d’un état d’urgence le 22 février, est considéré comme le plus grand défi auquel est confronté le président, au pouvoir depuis trois décennies après un coup d’État en 1989. À 75 ans, le président El-Béchir, l’un des plus anciens dirigeants d’Afrique, refuse de démissionner.