Le président Béji Caïd Essebsi, qui fut ministre sous Bourguiba, a été mis en cause par l’instance chargée de rendre justice aux victimes des dictatures en Tunisie. L’instance a mis en cause d’autres personnes toujours actives dans le monde de la politique et des médias.
L’actuel président Béji Caïd Essebsi est mis en cause dans ce rapport pour son rôle lorsqu’il était directeur de la sûreté nationale (1962) puis ministre de l’Intérieur (1965) sous Bourguiba. « Les investigations effectuées par l’instance ont prouvé que la torture était systématique et planifiée par les hauts responsables des affaires sécuritaires qui ont ordonné, incité, accepté et se sont tus sur la torture des victimes durant l’exercice de leurs fonctions », souligne le rapport de l’IVD, relayé par l’AFP.
Créée en 2014, dans le sillage de la chute du président Zine el Abidine Ben Ali en 2011, l’Instance Vérité et Dignité (IVD) a publié un rapport de plusieurs milliers de pages. L’Instance a entendu des dizaines de milliers de témoignages. Elle a mis au jour les rouages des systèmes politiques violant les droits humains, de la dernière année de l’occupation française en 1955 jusqu’au derniers remous de la révolution en 2013.
L’IVD a déjà levé le voile sur la répression sauvage exercée sous le premier président de la Tunisie Habib Bourguiba, en donnant la parole publiquement aux victimes. Son successeur Zine en Abidine Ben Ali, en exil en Arabie saoudite, est quant à lui poursuivi pour la torture à mort d’opposants dans plusieurs procès sur la foi de preuves rassemblées par l’IVD.
Selon le rapport de l’IVD, les ministres de l’Intérieur de Bourguiba, dont Essebsi, « étaient au courant que leur dirigeant avait commis des violations graves ». Pour l’IVD, « ils n’ont pas rempli le devoir qui leur incombe, en vertu des traités et conventions internationales, de protéger les détenus, ce qui les rend responsables pénalement au regard de la loi internationale ».
Le témoignage d’un prisonnier politique détenu dans les années 60 est particulièrement incriminant. Dans son audition, Moncef Materi a déclaré avoir été brutalement puni après s’être plaint auprès de Béji Caïd Essebsi, en visite dans la prison en tant que directeur de la Sûreté, de ses conditions de détention abjectes.
« Tu es toujours têtu ! », aurait répliqué Caïd Essebsi aux plaintes du prisonnier qui demandait pourquoi il était attaché et privé des visites de sa famille. Selon l’AFP, la présidence, contactée, n’a pas réagi.
Le président nonagénaire, présenté par son parti Nidaa Tounès comme leur possible candidat à l’élection présidentielle en novembre, a une relation tendue avec la dirigeante de l’IVD, Sihem Ben Sedrine, et reproche à l’instance d’attiser l’envie de vengeance. Mais il a accepté de recevoir officiellement le rapport de l’IVD, comme prévu par la loi.