Une zone de libre-échange continentale en Afrique ! Il y a quelques années, une telle initiative n’était même pas envisageable. Aujourd’hui, les présidents et les chefs de gouvernement de 44 pays africains ont fait le premier pas vers la réalisation de ce rêve africain. Signant un accord dans ce sens à l’occasion du sommet africain de Kigali, ces responsables devront attendre la validation de cet accord par les parlements de leurs pays respectifs. Un processus qui risque de ne jamais aboutir.
« Cette étape est sûrement tout aussi cruciale que la formation de l’Organisation de l’unité africaine. C’est ce dont Kwame Nkrumah avait rêvé, ce qu’espérait Julius Nyerere et ce que Nelson Mandela voulait mettre en œuvre. C’est réellement l’aube d’une nouvelle ère pour l’Afrique. » C’est dans ces mots que le nouveau président sud-africain, Cyril Ramaphosa, s’est adressé au participant au sommet extraordinaire de l’Union Africaine, organisé à Kigali du 17 a 21 mars, afin de défendre le projet de la création d’une zone de libre-échange continentale.
Il n’était pas le seul Chef d’État à mettre en avant les bienfaits d’une telle entreprise. En effet, le Rwandais, Paul Kagamé a décrit ce projet comme l’une des décisions les plus capitales prises par l’assemblée de l’UA. L’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo est parti jusqu’à qualifier de « criminelle » les personnes qui refuseraient d’appuyer un tel projet. Des déclarations qui démontrent sans doute l’engagement de plusieurs pays dans le processus de réussite du projet, du moins sur le papier. En effet, la mise en œuvre sur le terrain s’annonce beaucoup plus compliquée.
Un climat des affaires peu favorable
Animés de bonne intentions certes, les fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine (ancêtre de l’Union Africaine) avaient rêvé d’une Afrique libre et unifiée. Passeport unique, monnaie unique et aucune frontière de Tanger à Johannesburg dans le seul objectif de faciliter la vie aux citoyens africains. Le rêve qui relevait plus de l’utopie que de l’ambition s’est rapidement heurté aux réticences de plusieurs pays, puis à des conflits et des guerres interminables entre pays voisins.
Faisant de l’investissement en Afrique un vrai cauchemar, pour les investisseurs étrangers comme pour les hommes d’affaires africains, ces conditions d’instabilité ont classé le continent en bas de la liste pour les investisseurs. Les récentes statistiques (2016) démontrent que le commerce intra-africain représente 17,6% seulement des exportations africaines au moment où ce chiffre est de 70% en Europe.
Le combat n’a pas encore commencé
Au-delà des ambitions des chefs des États et des gouvernements, c’est les parlementaires qui auront le dernier mot au moment de l’entérinement du texte portant création de la nouvelle zone de libre-échange. Selon les spécialistes de la question législative, cette opération risque de prendre plusieurs années dans certains pays et risque de ne jamais aboutir dans d’autres. L’absence de la signature du président Sud-africain en bas de ce projet illustre d’ailleurs ces complications.
Obligé de trouver un compromis avec tous les acteurs sud-africains avant de procéder à la signature de ce document, Ramaphosa s’est retrouvé à l’écart d’un projet qu’il a longtemps défendu devant ses homologues africains. Se retrouvant dans une situation encore plus complexe, le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, a préféré ne pas prendre part au sommet. Une décision prise à la dernière minute afin de ne pas frustrer l’opposition dans le pays à l’approche des élections présidentielles.
Pour rappel, 44 pays africains se sont engagés à éliminer les droits de douane entre eux et à améliorer l’efficacité des postes-frontières mercredi dernier à Kigali. Vingt-sept d’entre eux ont signé également un second protocole afin d’entériner la libre circulation des personnes. En cas de leur mise en œuvre, ces accords pourront révolutionner l’économie africaine et permettre l’amélioration du niveau de vie dans nombreux pays.