
Une enquête sensible vient d’être ouverte à Paris autour de la disparition d’uranium au Niger, un dossier aux ramifications industrielles et géopolitiques complexes. Le parquet de Paris a confirmé l’ouverture d’investigations pour vol en bande organisée en vue de servir les intérêts d’une puissance étrangère, à la suite de la sortie inexpliquée d’un chargement d’uranium d’un site minier auparavant exploité par le groupe français Orano, selon une information révélée par franceinfo.
Au cœur de cette affaire figure la Somaïr (Société des mines de l’Aïr), implantée à Arlit, dans le nord du Niger. Ce site stratégique, longtemps contrôlé par Orano — ex-Areva — a été nationalisé en juin dernier par la junte militaire nigérienne. Quelques semaines plus tard, les autorités de Niamey annonçaient leur intention de commercialiser l’uranium issu de cette filiale sur le marché international.
Fin novembre, Orano a publiquement alerté sur la disparition d’un chargement d’uranium ayant quitté le site minier. Une information qui a rapidement attiré l’attention des autorités judiciaires françaises, dans un contexte déjà marqué par de fortes tensions entre Paris et le régime militaire nigérien, arrivé au pouvoir en juillet 2023.
Le dossier de l’uranium s’inscrit dans un bras de fer plus large opposant la junte à l’ancien partenaire industriel français. Les autorités nigériennes affichent clairement leur volonté de diversifier leurs alliances, notamment vers la Russie ou l’Iran. Moscou a d’ailleurs déclaré, dès juillet, son intérêt pour l’exploitation de l’uranium nigérien. En novembre, le général Abdourahamane Tiani, chef de la junte, revendiquait publiquement le « droit légitime du Niger de disposer de ses richesses naturelles » et de les vendre librement.
Avant sa nationalisation, la Somaïr était détenue à 63,4 % par Orano et à 36,6 % par l’État nigérien. Depuis la perte de contrôle opérationnel de ses trois filiales minières fin 2024, le groupe français — détenu à plus de 90 % par l’État français — a engagé plusieurs procédures d’arbitrage international contre Niamey.
Orano rappelle notamment une décision de justice rendue en septembre, interdisant à l’État du Niger de vendre, céder ou faciliter le transfert de l’uranium produit par la Somaïr. Selon le collectif de journalistes ouest-africains Wamaps, jusqu’à 1.000 tonnes d’uranium non enrichi auraient quitté Arlit, une partie étant stockée à Niamey, l’autre en route vers le port de Lomé, au Togo.
Interrogé, Orano affirme ne pas être en mesure de confirmer ni les quantités exactes, ni la destination finale, ni l’identité d’éventuels acheteurs. Le groupe précise toutefois que l’uranium concerné proviendrait des stocks constitués lorsque la société était encore opératrice du site, représentant près de 1.600 tonnes de concentrés miniers, pour une valeur estimée à environ 310 millions de dollars.
Autant d’éléments qui font de cette affaire un dossier explosif, mêlant enjeux judiciaires, souveraineté nationale, ressources stratégiques et rivalités d’influence sur fond de recomposition des équilibres au Sahel.














