
Le mouvement armé M23 poursuivait mercredi 10 décembre sa percée dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), aux abords d’Uvira, ville stratégique du Sud-Kivu, située à quelques kilomètres seulement de la frontière burundaise. Selon plusieurs témoins joints par téléphone, des combattants du mouvement ont été aperçus dans les quartiers nord dès le début de l’après-midi, dans une atmosphère de tension et de grande confusion.
Dans la matinée, quelques unités de l’armée congolaise et de milices pro-gouvernementales tentaient encore de garder le contrôle de certains secteurs. Mais à mesure que les heures passaient, les tirs sporadiques et les mouvements de groupes armés ont laissé peu de doute sur l’ampleur de l’incursion. « Je peux confirmer la présence du M23 dans la ville », a indiqué un représentant de la société civile locale. « Je viens de les voir passer devant chez moi », assure un habitant. Tous décrivent un climat d’incertitude et un repli général de la population.
Cette nouvelle avancée intervient à peine une semaine après l’accord annoncé à Washington entre les présidents congolais et rwandais, censé ouvrir une voie diplomatique pour un apaisement durable. L’administration américaine avait salué ce compromis présenté comme une étape majeure dans les efforts de stabilisation des Grands Lacs. La rapidité de la progression du M23 remet aujourd’hui en cause l’espoir d’une trêve durable, sans pour autant invalider l’engagement diplomatique pris par les partenaires internationaux.
À Bujumbura, les autorités burundaises ont dénoncé une « remise en cause inquiétante » du processus de paix et appelé à davantage de fermeté à l’égard de Kigali, accusé de soutenir le mouvement rebelle. Kigali a répliqué en accusant la RDC et le Burundi de ne pas respecter leurs engagements. Mardi, les États-Unis et plusieurs pays européens ont exhorté les parties à mettre fin « immédiatement » à l’offensive.
Uvira paralysée, la population terrée chez elle
Mardi déjà, les rues d’Uvira s’étaient largement vidées à mesure que militaires, fonctionnaires et habitants tentaient de fuir la progression du M23. Mercredi, la ville apparaissait presque figée. Les témoignages recueillis décrivent des familles calfeutrées, parfois réfugiées sous les lits, dans l’attente d’une accalmie. « Les habitants sont enfermés », rapporte un témoin. « Nous ne comprenons rien de ce qui se passe ; nous attendons », ajoute un autre.
Selon des sources sécuritaires burundaises, le Burundi a décidé de fermer sa frontière avec la RDC et de placer les postes-frontières en « zones militaires ». Côté congolais, le M23 aurait également fermé l’accès du poste-frontière proche d’Uvira, sans qu’il soit possible de déterminer l’étendue exacte de son contrôle sur la ville.
Cette percée du mouvement rebelle s’inscrit dans une dynamique rappelant l’offensive du début d’année, qui avait permis au M23 de prendre Goma et Bukavu. Selon des experts des Nations unies, l’appui militaire rwandais au mouvement aurait alors atteint jusqu’à 7.000 hommes.
Une progression aux conséquences régionales
Pour le Burundi, l’avancée du M23 vers Uvira représente une menace directe. Les relations entre Bujumbura et Kigali demeurent tendues, et la perspective d’un débordement du conflit vers un affrontement plus large dans la région des Grands Lacs alimente les inquiétudes. Environ 18.000 soldats burundais sont actuellement engagés en soutien aux forces congolaises dans plusieurs zones du Sud-Kivu, selon des sources sécuritaires.
L’accord signé à Washington prévoyait pourtant une série de mesures destinées à consolider un climat de confiance, notamment un volet économique assurant un approvisionnement sécurisé en minerais stratégiques pour les industries internationales. Son objectif principal consistait à réduire l’intensité des affrontements et à relancer un dialogue régional.
Mais sur le terrain, la situation humanitaire s’aggrave rapidement. Selon le ministère burundais des affaires étrangères, plus de 40.000 Congolais et 5.500 Burundais résidant en RDC ont trouvé refuge au Burundi en quatre jours. L’Ocha estime que plus de 200.000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du Sud-Kivu depuis le 2 décembre, tandis que des dizaines de milliers d’autres ont franchi les frontières voisines.
Plusieurs sources diplomatiques européennes indiquent enfin que Kinshasa redoute que le M23, fort de ses dernières avancées, n’étende son offensive vers le Katanga, région minière essentielle à l’économie congolaise. Une telle évolution accentuerait encore les risques d’embrasement régional et fragiliserait les équilibres économiques déjà précaires du pays.















