Patrice Talon

Le Bénin, qui n’avait plus subi de coup d’État depuis 1972, a failli renouer, hier, avec un passé douloureux.

En effet, des militaires rebelles, armés et déterminés, ont tenté de renverser le président Patrice Talon en attaquant les demeures de très hauts gradés de l’Armée, le Palais présidentiel et les locaux de la télévision nationale, qu’ils ont réussi à conquérir pour s’adresser à la population, en direct, et annoncer la « mise à l’écart du président Talon ».

Mais l’occupation de la télévision nationale n’a duré qu’un court instant, les forces loyalistes ayant réussi à déloger et à mettre en fuite les putschistes autoproclamés.

L’assaut lancé contre le Palais présidentiel ne sera pas victorieux non plus, les rebelles ayant été repoussés par les forces loyalistes qui en assuraient la protection.

Cependant, des maisons de hauts gradés, de la plus haute hiérarchie de l’Armée, ont été ciblées et des victimes ont été dénombrées.

Pour l’heure, il n’y a pas encore d’informations recoupées et fiables, d’où la prudence qui s’impose avant d’annoncer des noms.

Ce qui est certain, comme l’a affirmé le président Talon — qui était resté invisible pendant de longues heures avant de réapparaître à la télévision nationale —, c’est que « la situation est sous contrôle ». À Cotonou, c’est le cas, même si certains membres du groupuscule des putschistes sont introuvables et détiendraient des otages.

Nombre d’entre eux sont entre les mains des militaires loyalistes, qui ont fait honneur à la République béninoise en refusant de céder à des factieux.

Pourtant, Talon, par son « mode » de gestion politique autoritaire et/ou arrogant, est loin de faire l’unanimité. Il est vrai, cependant, qu’il a déjà annoncé qu’il respecterait la limitation des mandats et qu’il quittera donc le pouvoir en avril 2026. Il a même choisi le ministre de l’Économie et des Finances, Romuald Wadagni, comme son dauphin, lequel briguera la présidence en tant que candidat de la mouvance présidentielle constituée par Le Renouveau-UPR et le Bloc Républicain.

Ce qu’il faut d’ores et déjà retenir de ce coup d’État avorté, c’est d’abord l’amateurisme des putschistes qui, manifestement, n’avaient pas le soutien de toute l’Armée.

Il s’y ajoute qu’ils n’ont pas tenu compte du « parapluie nigérian » dont dispose le président Talon, et qui a fonctionné efficacement. Ce sont les forces militaires nigérianes — notamment l’armée de l’air — qui ont apporté un appui décisif en bombardant les insurgés.

Abuja a aussi déployé des éléments sur le sol de son voisin, à la demande de Talon. Cela n’aurait pas été facile si le haut commandement militaire béninois avait été de mèche avec les insurgés.

L’aide du Nigeria a également permis de mobiliser la CEDEAO et ses troupes d’intervention, attendues incessamment au Bénin pour mieux sécuriser le pays. Ces actions coordonnées ont été déterminantes pour mettre en déroute des putschistes qui ont agi de « manière artisanale ».

Le bilan de ce putsch avorté reste encore à établir ; mais c’est un coup de semonce pour Talon qui, malgré sa déclaration publique de respecter la limitation des mandats à deux, reste très controversé.

C’est pour lui l’occasion de jouer la carte républicaine du rassemblement patriotique et démocratique. Certes, les apprentis putschistes doivent être jugés, mais toute chasse à l’homme opportuniste devrait être évitée.

L’Armée béninoise a donné le la pour un regroupement patriotique autour des valeurs républicaines et démocratiques. Tous les citoyens béninois, conscients du danger qui vient d’être écarté — chance que n’ont pas eue les populations de nombreux pays voisins — doivent faire bloc pour défendre une démocratie si fragile, dans tous les pays du monde où elle est expérimentée.