Alors que les grandes puissances mondiales intensifient leur présence en Afrique, plusieurs États membres de l’Union européenne historiquement peu engagés sur le continent cherchent désormais à élargir leur influence. L’ouverture récente d’une représentation diplomatique finlandaise au Sénégal, ou encore la formation des forces de sécurité mauritaniennes par des instructeurs tchèques, témoignent de cette dynamique nouvelle.

Depuis cinq ans, l’Estonie, la Roumanie ou encore Malte repensent leurs stratégies extérieures et renforcent leurs liens avec l’Afrique. Pour Alex Vines, du Conseil européen pour les relations étrangères, cette évolution traduit l’importance croissante du continent pour l’ensemble de l’UE : « Il y a une vague de réformes des politiques africaines de deuxième génération. Cela montre que l’Afrique est devenue une priorité, même pour les plus petits États membres. »

Le contexte géopolitique explique en partie cet intérêt renouvelé. L’Afrique est redevenue un terrain majeur de compétition internationale. Ressources minières, potentiel énergétique, leviers diplomatiques : Washington, Pékin et Moscou s’y disputent l’influence. L’UE, elle, continue de se présenter comme un partenaire privilégié en matière de commerce, de sécurité et de développement, une position qu’elle tentera de consolider lors du prochain sommet UA-UE en Angola.

Mais la relation euro-africaine reste marquée par des revers. Le passé colonial de plusieurs pays européens continue d’alimenter la méfiance, tandis que d’autres puissances ont su capitaliser sur ce terrain. La Chine a sécurisé des ressources clés et la Russie s’est imposée comme un partenaire sécuritaire dans divers États du Sahel, au moment où le Burkina Faso, le Mali et le Niger se détournaient de la France après une succession de coups d’État.

Une recomposition stratégique européenne

Face à ces recompositions, plusieurs capitales européennes ont décidé de revoir leurs approches. Pour un diplomate européen, l’objectif était clair : « Il nous fallait absolument revenir dans la course. » Des États sans passé colonial, parfois eux-mêmes marqués par leur histoire face à la Russie, revendiquent une relation plus horizontale avec l’Afrique.

Un second diplomate résume cette approche : « Nous ne sommes pas perçus comme des puissances oppressives. » L’Estonie incarne cette stratégie. Son ambassadeur au Kenya et en Afrique du Sud, Daniel Schaer, souligne que la transition difficile de son pays dans les années 1990 crée des points communs avec certaines nations africaines. « Nous avons connu une phase où l’on nous disait comment faire. Nos conseils reflètent cette expérience. »

Même logique en Finlande. Kaarina Airas, responsable de la politique africaine, estime que l’histoire de son pays, marqué par la lutte pour l’indépendance face à la Russie, constitue un élément de proximité. Helsinki, qui a révisé sa politique africaine en 2021, a ouvert une ambassade au Sénégal et ambitionne de doubler ses échanges commerciaux avec l’Afrique d’ici 2030.

L’Estonie, quant à elle, mise sur l’exportation de son expertise numérique, de la Namibie à l’Ouganda. La Hongrie s’est implantée au Tchad, mêlant présence humanitaire, diplomatique et projets de formation militaire.

Des résultats encore modestes mais prometteurs

Si plusieurs initiatives ont démarré avec des moyens limités, les premiers résultats sont tangibles. Le commerce estonien avec l’Afrique a presque doublé depuis 2019, et la Hongrie affiche une hausse de 35 %, selon les données européennes. La République tchèque, la Finlande et le Danemark enregistrent eux aussi des progrès notables, bien que plus modérés.

Pour Helsinki, la trajectoire est encourageante. « Nous sommes sur la bonne voie », assure Mme Airas.