
Depuis deux mois, le Mali vit au rythme d’un étranglement silencieux. Les groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda, réunis au sein du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), ont entrepris une stratégie méthodique d’asphyxie économique. En s’attaquant aux axes routiers vitaux reliant le pays au Sénégal et à la Côte d’Ivoire, ils ne cherchent plus seulement à contrôler le territoire : ils entendent étouffer l’État par la pénurie.
Une économie sous embargo insurrectionnel
Dans ce pays enclavé, dépendant massivement des importations, le blocus jihadiste agit comme un levier politique. Le carburant devient une arme de guerre : à Bamako, les files d’attente s’étirent devant les rares stations encore approvisionnées. Plus de 600 pompes à essence sur 700 sont à l’arrêt. La capitale survit sous perfusion militaire, alimentée par quelques convois sous escorte.
Les effets de la crise s’étendent à tous les secteurs : transports paralysés, délestages électriques, écoles fermées puis rouvertes, économie informelle en souffrance. Dans les villes du centre, comme Mopti ou Bandiagara, l’obscurité est totale depuis un mois. À Dioïla, 160 kilomètres à l’est de Bamako, aucune station-service n’a livré depuis septembre. Le pays profond, coupé de la capitale, s’enfonce dans la précarité énergétique et alimentaire.
Un État recentré sur sa propre survie
Confrontée à ce siège intérieur, la junte du colonel Assimi Goïta se replie sur Bamako. L’État concentre ses forces autour de la capitale, laissant de vastes zones rurales aux mains de groupes armés. Selon le chercheur Bakary Sambe, du Timbuktu Institute, « de larges espaces échappent désormais au contrôle effectif du pouvoir », transformant le Mali en archipel de bastions militaires isolés.
Le jeu des puissances et la fuite des étrangers
L’isolement diplomatique du régime accentue la crise. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont retiré leur personnel non essentiel ; la France, elle, a recommandé à ses ressortissants de partir. Dans les aéroports, les départs d’expatriés chinois ou africains se multiplient, sans panique, mais avec résignation.
L’Union africaine, par la voix de Mahmoud Ali Youssouf, appelle à une « action internationale urgente », sans écho tangible. Le silence des partenaires régionaux contraste avec la gravité de la situation : un pays à genoux, pris entre le spectre du califat et l’épuisement économique.
Une guerre d’usure sans fin
Pour l’heure, la chute de Bamako paraît improbable. Les jihadistes n’en ont ni la capacité militaire, ni la structure politique. Mais leur objectif est clair : affaiblir la junte jusqu’à la rupture. Dans ce conflit d’usure, le Mali ne meurt pas sous les balles, mais sous la rareté du carburant, l’obscurité et la peur — une guerre lente, où la privation remplace la conquête.















