Le ton est donné. En présidant, dimanche 19 octobre, un Conseil des ministres au Palais royal de Rabat, le roi Mohammed VI a validé les grandes orientations du projet de loi de finances 2026. Un budget placé sous le signe de la consolidation économique, du renforcement de l’État social et de la réforme politique, dans un climat international marqué par les incertitudes et la fragmentation géopolitique.
Un volontarisme budgétaire encadré par la prudence
Selon l’exposé présenté par la ministre de l’économie et des finances, le Maroc table sur une croissance de 4,8 % en 2025, portée par la demande intérieure, les secteurs non agricoles et la reprise industrielle. L’inflation, contenue à 1,1 % à fin août, et un déficit public ramené à 3,5 % du PIB permettent au gouvernement de s’autoriser un budget d’investissement ambitieux, tout en préservant les équilibres macroéconomiques.
Au cœur du projet : l’ambition de faire du royaume une économie émergente assumée. La stratégie repose sur l’investissement privé, la mise en œuvre de la Charte de l’investissement, l’attractivité du climat des affaires, l’essor de l’hydrogène vert et le soutien accru aux très petites et moyennes entreprises. Ces dernières bénéficieront d’un dispositif d’appui technique et financier afin de favoriser l’emploi et l’équité territoriale.
Le territoire comme levier de transformation
L’exécutif entend lancer en 2026 une « nouvelle génération de programmes de développement territorial intégré ». En filigrane, l’idée d’un État qui se déploie localement, plutôt que par de grandes initiatives centralisées. Les priorités sont clairement posées : insertion des jeunes, rénovation des écoles, amélioration de l’offre de soins, rééquilibrage entre régions dynamiques et territoires marginalisés – montagnes, oasis, zones rurales enclavées.
L’effort budgétaire est considérable : 140 milliards de dirhams seront consacrés à l’éducation et à la santé, soit un niveau inédit, accompagné de plus de 27 000 postes créés dans ces deux secteurs. Sur le terrain, cela se traduira par l’ouverture de nouveaux centres hospitaliers universitaires (Agadir, Laâyoune), la finalisation du CHU Ibn Sina de Rabat, 90 hôpitaux rénovés, et une accélération de la généralisation du préscolaire.
L’État social prend corps
Depuis deux ans, le Royaume a engagé l’un des chantiers sociaux les plus structurants de son histoire récente : la généralisation de la protection sociale. Le Conseil des ministres confirme son ancrage dans le budget 2026.
Quatre millions de ménages continueront de bénéficier de l’aide sociale directe, avec une revalorisation des allocations familiales (50 à 100 dirhams par enfant) et de nouvelles mesures en faveur des orphelins et enfants abandonnés. Le système de retraite sera progressivement étendu aux non-salariés, tandis que l’indemnité pour perte d’emploi sera généralisée. Le soutien direct au logement, lancé en 2024, sera maintenu.
Réformer l’État et la politique : une constante royale
Au-delà du social et de l’économie, le Conseil acte plusieurs réformes institutionnelles de long terme. La plus notable concerne la loi organique relative à la Chambre des représentants : elle entend moraliser la vie politique et renforcer la confiance dans les urnes. Condamnés pénalement exclus du scrutin, sanctions renforcées contre la fraude électorale, incitations financières aux candidats de moins de 35 ans et circonscriptions régionales réservées aux femmes composent le cœur du dispositif.
Une réforme des partis politiques est également engagée : gouvernance interne, transparence financière, encadrement des financements et ouverture élargie à la jeunesse et aux femmes.
En parallèle, le gouvernement mènera, en 2026, une réforme de la loi organique des finances, destinée à rendre la gestion publique plus transparente, orientée vers la performance et la reddition des comptes. S’y ajoute la restructuration du secteur public, des établissements et entreprises d’État, trop coûteux et parfois inefficaces.
Un cap fixé, un défi d’exécution
Le Conseil des ministres trace une feuille de route claire : investir, rééquilibrer le territoire, consolider l’État social et réformer la politique. Mais le défi reste celui de la traduction concrète de ces ambitions : emploi des jeunes, confiance citoyenne, lenteurs bureaucratiques ou déséquilibres régionaux pourraient freiner l’élan.
La volonté royale est réaffirmée. Reste à savoir si l’appareil administratif et politique saura suivre le rythme d’un pays qui aspire — plus que jamais — à conjuguer stabilité, justice sociale et émergence.