À Antananarivo, la transition politique s’opère dans le calme. Après plusieurs semaines de manifestations ayant conduit à la destitution du président Andry Rajoelina et à sa fuite à l’étranger, le colonel Michaël Randrianirina s’apprête à prêter serment comme « président de la refondation de la République de Madagascar ». Cet officier de 51 ans, désormais figure centrale du pouvoir, se défend pourtant d’avoir mené un coup d’État.

« Un coup d’État, c’est quand on tire, quand il y a du sang. Ici, on m’a transféré le pouvoir, je ne l’ai pas pris », a-t-il déclaré jeudi devant la presse, insistant sur la légalité de sa désignation par la Haute cour constitutionnelle. Le militaire, à la tête d’une unité du Capsat, affirme vouloir restaurer l’ordre institutionnel sans instaurer un régime de caserne. Il dit s’inscrire dans la continuité de l’État, malgré les critiques internationales qui dénoncent un changement inconstitutionnel de pouvoir.

Dans la capitale, l’atmosphère contraste avec les semaines précédentes. Les barricades ont disparu, la vie quotidienne a repris et les partisans du nouveau dirigeant affluent vers le siège du Capsat, devenu lieu de pèlerinage politique. « On vient rencontrer le président sauveur pour reconstruire le pays », glisse un ancien sénateur, parmi les nombreux visiteurs. Le colonel Randrianirina, populaire auprès d’une partie de la jeunesse et des collectifs à l’origine des manifestations, a d’ailleurs affirmé vouloir associer les membres du mouvement Gen Z au futur conseil présidentiel.

Le nouvel homme fort de Madagascar assure que le pays « n’a pas choisi un régime militaire ». Il promet un gouvernement civil et se dit favorable à la tenue d’élections, même s’il estime qu’un délai de soixante jours, fixé par la justice constitutionnelle, paraît irréaliste. Le processus électoral et les listes des électeurs restent, selon lui, contestés. Il évoque plutôt une transition de 18 à 24 mois, le temps de « refonder les institutions sur des bases saines ». Jeudi, l’Assemblée nationale – seule institution épargnée par la dissolution – a élu un nouveau président, l’ancien chef de l’opposition Siteny Randrianasoloniaiko, signe d’un rééquilibrage politique en cours.

Pendant ce temps, l’ancien président Andry Rajoelina a confirmé avoir quitté le pays « entre le 11 et le 12 octobre », invoquant des menaces graves contre sa vie. Sa fuite met fin à plusieurs jours de rumeurs. L’ancien chef d’État, lui-même porté au pouvoir par l’armée en 2009, voit l’histoire se répéter, cette fois à ses dépens. Son départ intervient après un mouvement de contestation meurtrier : au moins 22 morts et plus d’une centaine de blessés selon l’ONU.

Cette crise politique, la cinquième en moins de vingt ans, souligne la fragilité des institutions malgaches. Sur cette île de 32 millions d’habitants, où 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, les espoirs placés dans la « refondation » annoncée par le colonel Randrianirina restent mesurés. Beaucoup redoutent que l’histoire, une fois encore, ne se répète.