La qualification pour la Coupe du monde de football, qui se déroulera aux États-Unis, au Canada et au Mexique l’année prochaine, met du baume au cœur des Sénégalais, passionnés de football — un sport qui, avec la lutte, les rassemble et les fait jubiler lorsque les « Lions de la Téranga » gagnent.
Le rendez-vous du Mondial américain, organisé conjointement par les trois pays que sont les États-Unis, le Canada et le Mexique, sera la quatrième participation des Lions de la Téranga à ce sommet de la compétition entre les meilleures équipes de la planète.
En 2002, le Sénégal avait crevé l’écran en battant la France, alors détentrice du titre mondial. L’équipe menée par El Hadji Diouf, Bouba Diop, Khalilou Fadiga et d’autres talents exceptionnels avait fait sensation et signé l’entrée du Sénégal au sein de l’élite mondiale, avec panache : un football d’attaque, efficace et joué sans complexe. Le Sénégal s’était arrêté en quarts de finale, après avoir conquis les puristes.
Depuis, une nouvelle génération a pris le relais, avec Sadio Mané, qui a fait les beaux jours de Liverpool et s’est fait connaître dans le monde entier. Il évolue désormais en Arabie saoudite et continue de tenir son rang, aux côtés de jeunes joueurs fringants évoluant dans de grands clubs européens. Ce sont ces nouveaux Lions qui ont décroché cette quatrième qualification au « Mondial américain ».
Ce succès est bienvenu dans un pays qui vit une troisième alternance politique, marquée, à l’inverse des deux premières, par des tensions qui perdurent. C’est pourquoi il faut souhaiter que ce moment de joie collective puisse favoriser une communion nationale propice à une détente politique.
La balle est dans le camp du pouvoir, qui bute sur des difficultés économiques en partie héritées, mais aussi amplifiées par des choix de politique financière mal maîtrisés. L’un des facteurs du malaise reste l’action judiciaire aux relents de règlement de comptes, ciblant les membres de l’ancien régime. C’est le moment de jouer la carte de l’apaisement, en freinant l’hypermédiatisation des convocations, gardes à vue, versements de caution, etc., qui s’affichent chaque jour à la une des médias.
Il est vrai que, dans cette affaire, l’irresponsabilité de certains médias est pleinement engagée. Informer le public, oui — mais de façon juste et équilibrée, sur tous les sujets, sans s’inscrire dans une orientation politico-judiciaire qui prolonge la bataille dépassée des présidentielles.
Pendant les jours qui suivront la qualification des Lions, le focus médiatique se déplacera vers le sport, et c’est tant mieux. Un pays ne peut pas vivre en campagne électorale permanente. Le moment de cette pause footballistique est bienvenu et doit être celui d’un changement de discours et d’actes allant dans le sens d’un renforcement de la cohésion nationale : une sorte de mi-temps prolongée pour célébrer les Lions et la fraîcheur de leur exploit.
La tension permanente enracine la haine, poison terrible qui gangrène les relations sociales. Il est temps de compléter le « jub, jubal, jubanti » par le « jubo » : être intègre, agir de manière juste, rectifier, mais aussi se réconcilier.
La « guerre politique » est certes féroce, mais elle est normée en démocratie. Les présidents Diouf et Wade ont montré le chemin à suivre au Sénégal, eux qui se sont affrontés durant plusieurs décennies, mais qui ont agi en gentlemen au moment de la première alternance : Diouf avait reconnu sa défaite et appelé Wade pour le féliciter.
Macky Sall, qui n’était pas candidat, a lui aussi reçu les vainqueurs Diomaye et Sonko au Palais, dans une ambiance empreinte de sérénité et de respect réciproque. C’est par la suite que les choses ont dérapé.
Il est temps de retrouver la paix des braves, de fumer le calumet de la paix pour attirer les investisseurs, renouer le partenariat avec le FMI, la France et tous les amis du Sénégal. Il faut redonner espoir aux jeunes qui ont jubilé hier et qui continuent d’afficher le sourire de la victoire, du bonheur et de l’espérance.
La reddition des comptes, oui — mais sans haine ni violence. Pour une justice authentique et toujours humaine.