Ce qui se murmurait est devenu une évidence pour tous les Sénégalais lucides : le Premier ministre Ousmane Sonko est devenu l’opposant numéro un de son propre gouvernement et du régime de son parti, le Pastef.
Il l’a affirmé urbi et orbi : « On ne me laisse pas gouverner. » Une déclaration qui cible directement le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, chef de l’exécutif dans le régime présidentiel sénégalais. Or, dans ce système, le président définit la politique de la nation et exerce pleinement le pouvoir. Le Premier ministre, qu’il a lui-même nommé, n’a qu’un rôle d’exécution, subordonné, et peut être limogé à tout moment.
Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il n’existe pas de Parti-État au Sénégal. Ainsi, le Pastef, dont Sonko est le leader, n’a aucune existence institutionnelle ou constitutionnelle dans la gestion des affaires publiques.
Après un an et demi à la tête du gouvernement, Sonko semble encore ne pas avoir assimilé cette réalité politique. Sa sortie fracassante contre l’Exécutif, dont il est pourtant un maillon, sonne comme le cri de détresse d’un homme qui découvre les limites strictes de ses fonctions. Il réalise brutalement qu’il est corseté, que son champ d’action est drastiquement restreint, et qu’il est impuissant dans de nombreux domaines.
Il a dû avaler bien des couleuvres en voyant Diomaye exercer, légitimement, les prérogatives présidentielles. Car le président, élu au suffrage universel, gouverne souverainement et ne rend compte qu’au peuple sénégalais. Il représente également le pays sur la scène internationale, dans les sommets diplomatiques, auprès de ses pairs.
Sonko, perçu par certains comme un « faiseur de roi », oublie qu’au Sénégal, pays profondément religieux, l’élection présidentielle relève autant du choix populaire que de la volonté divine.
En accusant Diomaye Faye de ne pas le « laisser gouverner », il expose non seulement une méconnaissance inquiétante du droit constitutionnel, mais aussi une frustration évidente. Il découvre, sans doute avec amertume, qu’il n’est qu’un acteur de troisième rang, derrière le président de la République et le président de l’Assemblée nationale.
La réalité est plus crue encore : c’est le rejet de son rabat d’arrêt par la Cour suprême qui l’a fait dérailler. Cette décision a scellé son avenir politique : Sonko ne pourra pas se présenter à l’élection présidentielle de 2029, une exclusion consécutive à sa condamnation définitive.
Acculé, il s’en est pris aux magistrats, à la société civile qu’il a qualifiée de « fumiers », et a évoqué un retour à l’Assemblée nationale — un retour juridiquement impossible, la loi ne le permettant plus.
Sonko aurait donc tout intérêt à suivre des cours de rattrapage en droit constitutionnel, en science politique, et en langue française, qui reste la langue officielle de l’État.
Force est de constater qu’il cumule trop de lacunes pour diriger efficacement un gouvernement. Son éventuel départ serait donc salutaire, lui permettant de se repositionner comme chef de parti, libre de dire tout et n’importe quoi — quitte à insulter aujourd’hui, et nier demain.
Mais insulter publiquement des pans entiers de la société, sans jamais oser le faire en face, relève de la lâcheté. Dans son propre intérêt, il devrait adopter un silence prolongé, pour éviter les déclarations à l’emporte-pièce.
Car à chaque sortie, il donne des arguments à l’opposition par ses dérapages, contre-vérités, outrances et incohérences. Déclarer qu’on ne le laisse pas gouverner est une bourde monumentale, qui alimente l’idée d’un Pastef désorganisé, incontrôlable, incohérent.
Depuis un an et demi, l’économie est au point mort. Le FMI patiente, attendant des clarifications sur les positions et contradictions du gouvernement, notamment sur les discours et accusations du Premier ministre.
Sonko a même insinué que le Sénégal pourrait se passer du FMI. Si telle est sa conviction, pourquoi ne pas l’assumer ouvertement ? Il semble hésiter à franchir cette ligne rouge, incapable de trancher.
Aujourd’hui, Premier ministre-opposant, Sonko ne gouverne pas : il critique, théorise, fantasme, et abuse des micros. Une posture qui cache une incompétence flagrante.
S’opposer est une chose. Gouverner en est une autre.