L’État du Sénégal est aujourd’hui plongé dans une crise politique profonde, provoquée par le Premier ministre Ousmane Sonko, qui a choisi de défier ouvertement le chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye.

Non seulement il l’a attaqué publiquement, le désignant nommément et l’accusant de « l’empêcher de gouverner », mais il a surtout boycotté son retour officiel des États-Unis, refusant de se rendre à l’aéroport pour l’accueillir. Un acte lourd de sens, suivi par l’ensemble des membres du gouvernement, qui n’ont pas osé s’opposer à ce geste de défiance envers la plus haute autorité de l’État.

Ousmane Sonko a ainsi voulu faire une démonstration de force — ou a commis un acte de suicide politique — en humiliant la clé de voûte des institutions, le chef suprême des Armées, le premier magistrat du pays.

En son absence, il a convoqué le Conseil national du parti Pastef, qu’il préside, pour lancer de nouvelles attaques, cette fois contre la magistrature. Cette hostilité envers les juges ne date pas d’hier : elle avait commencé lorsqu’ils avaient rejeté son recours devant la Cour suprême visant à casser le jugement rendu en faveur de Mame Mbaye Niang, qui l’avait poursuivi pour diffamation. Cette décision avait alors mis fin à ses ambitions présidentielles.

Écarté de la présidentielle, Sonko avait proposé Bassirou Diomaye Faye comme candidat du Pastef. La suite est connue : une élection remportée nettement dès le premier tour avec 54 % des voix, suivie d’une victoire aux législatives — amplifiée par le mode de scrutin majoritaire à un tour dans les départements.

Mais depuis lors, un fonctionnement bicéphale de l’État s’est installé au sommet, avec ses contradictions internes, qui expliquent l’explosion politique actuelle.

Sonko semble se considérer au-dessus non seulement du président Diomaye, mais de toutes les institutions et de tous les acteurs de la vie nationale. Il a publiquement insulté l’ensemble des membres de la société civile, les traitant de « fumiers ». Il affiche un mépris généralisé, visiblement nourri par une frustration profonde liée à son exclusion de la présidentielle et à son éloignement du pouvoir exécutif.

Car malgré ses postures et discours martiaux, Sonko sait pertinemment que le Sénégal est un régime présidentiel, où l’essentiel du pouvoir est concentré entre les mains du chef de l’État.

Nommé Premier ministre par Diomaye, il dénonce aujourd’hui un empêchement de gouverner. Pourtant, la logique — et la dignité — voudraient qu’il démissionne s’il estime ne plus pouvoir exercer ses fonctions. Mais le courage politique n’a jamais été la marque de fabrique d’Ousmane Sonko, qui s’était réfugié en Casamance pour échapper à la justice et avait refusé de se présenter devant le tribunal dans l’affaire Adji Sarr, qui lui avait valu une condamnation pour « corruption de la jeunesse ».

Ses difficultés actuelles trouvent en grande partie leur origine dans son comportement personnel, souvent marqué par un manque de retenue et une incapacité à respecter les institutions. À l’opposé, le président Diomaye Faye fait preuve, lui, d’une posture républicaine et d’une retenue saluée jusque-là.

Aujourd’hui, l’heure de vérité a sonné pour ce duo improbable. Et c’est Diomaye qui détient toutes les cartes. Il lui revient désormais de prendre la décision qui s’impose : crever l’abcès.

Car la comédie a assez duré. Le boycott de son accueil officiel par Sonko a constitué une atteinte grave à l’autorité présidentielle. Le chef de l’État est publiquement défié ; il doit réagir ou accepter de perdre toute respectabilité.

Les tentatives de médiation ne sont plus pertinentes. On ne met pas en demeure un président de la République. On n’insulte pas impunément les magistrats, les journalistes, la société civile, et tous ceux qui osent exprimer une opinion libre, dans un État de droit.

Ousmane Sonko est allé trop loin. Et seul Bassirou Diomaye Faye, dans l’état actuel des choses, a la légitimité et l’autorité pour mettre fin à cette dérive qui souille l’image de la République.