Le spectacle continue au Sénégal : l’acte II de la farce politico-comptable vient de se jouer, avec la finesse de deux parleurs en politique économique. Le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier Ministre Ousmane Sonko ont transformé la gestion des affaires publiques en un sketch dramatique. Après avoir révélé, en février dernier, un audit d’ampleur révélant des mensonges comptables dignes d’un mauvais roman, ils ne remettent … rien du tout. Résultat : le FMI attend toujours, alors que le pays détiendrait un dossier explosif contenant près de 7 milliards de dollars de “dette oubliée”. Silence radio. Aucun rendez-vous n’est pris au FMI. Coup de théâtre économique ou simple guignolerie diplomatique ?

Une dissimulation historique — et assumée

Le scandale pourrait faire pleurer d’envie n’importe quel scénariste hollywoodien : une ministre découvre une dette réelle flirtant avec 100 % du PIB, contre 74 % officiellement déclarés. L’équivalent de déterrer un cadavre financier dans le placard. Et ce n’est pas un détail : la dette intérieure et extérieure est mal déclarée, sous-estimée, maquillée. Une falsification comptable qualifiée de « la plus importante de l’histoire du FMI ». Et que font Faye et Sonko ? Ils retournent la page sans verser l’encre nécessaire pour conclure le rapport consolidé. Le FMI garde ses distances prudentes, tant que Dakar ne donna pas les preuves écrites d’un peu de rigueur et des chiffres solides.

“On fait notre Girouette — mais on est souverains !”

Ousmane Sonko, sans trembler, affiche sa posture de nationaliste fiscal : “Nous pouvons nous débrouiller sans le FMI”, affirme-t-il, tout en présentant un plan de mobilisation fiscale… à défaut d’impôts réellement encaissés. En effet, pas question d’augmenter les taux : non, mieux vaut exploiter l’informel, élargir la base, réduire les niches fiscales. Ironie crasse : tout cela à coups d’exemptions retirées et de contrôles asphyxiants. Sonko, en stratège habile, joue la carte de l’indépendance. Mais à quel prix ? Les marchés, eux, ont déjà tranché : les obligations en dollars contractées sont les pires parmi les pays africains, en baisse de 7,3 % depuis janvier. Faux pas diplomatique ou faute stratégique ?

Levée de fonds et cache-misère

Au lieu d’un accord avec le FMI, Dakar a opté pour une planche de salut : une levée de 405 milliards CFA (≈709 M €) fin mai via l’Umoa. Autre subterfuge : annoncer un plan fiscal prétendument sérieux – applaudie par le FMI, mais jugée insuffisante pour clore le dossier. En clair, on emprunte sur le marché régional, on imprime un communiqué lisse… et on espère que personne ne lira les petites lignes. Pendant ce temps, les investisseurs privent le pays de tours de piste sur la scène mondiale — la faute à cette fuite en avant budgétaire.

Manipulation politique : la transparence en vitrine

Faye, meilleur acteur du duo, inaugure l’audit des chiffres de sa propre majorité – méthode radicale : « On descend le précédent régime pour renforcer notre image ». Quant à Sonko, il martèle : “On casse le moule néolibéral !” avec la ferveur d’un prédicateur. Mais le diable est dans les détails : pas de réunion prévue du FMI, la version finale du rapport manque à l’appel, et aucun calendrier n’est affiché. On se croirait face à un tour de passe-passe : on montre la corde, on clame qu’elle est solide, mais on ne la tend pas. L’opposition a beau y voir un trou noir financier, le chef du gouvernement invoque une “transparence proactive”. Ambigu en diable.

La farce internationalisée

Le FMI ne mâche pas ses mots : félicitations pour la mobilisation fiscale, mais aucune avancée dans le dossier de la dissimulation. Le scénario est limpide : pas de rapport consolidé, pas de discussion. Et si rien ne bouge, exit l’accord prévu… et il faudra composer avec une économie bancale et isolée. En attendant, Faye promet de renégocier les grands contrats, notamment dans l’énergie, au risque d’effrayer les investisseurs — quitte à afficher un visage fort devant son électorat. Une posture double : “on est ferme avec les partenaires” comme on est flou avec les chiffres. Mais le FMI, gardien invisible de la rigueur internationale, n’est pas dupe.

L’élection parlementaire… ou la fuite en avant

Avec les législatives qui approchent, Faye & Sonko ont intérêt à maintenir leur posture survoltée. « On redresse le pays, on casse les niches, on finira de surveiller la dette », martèlent-ils. Question : jusqu’à quand cette rhétorique tiendra-t-elle quand les caisses sont vides, les marchés sévères, et les citoyens plus taxés ? Sans un accord clair, les promesses restent du vent. Et si la transparence est un argument, elle ne paie pas les fonctionnaires ni n’apporte les 1,8 milliard de dollars gelés depuis un an.

Face à ce duo, on s’interroge sur la mise à nu du bilan de Macky Sall. La gestion du scandale par notre duo de comiques frise le ridicule : pas de rapport consolidé, pas de programme clôturé, et un FMI sur la réserve. Pire : une fuite en avant budgétaire, des marchés en rade, des promesses fiscales alambiquées. Faye & Sonko jouent une partition risquée — cela s’appelle le bluff financier. Le silence du FMI est assourdissant : la prétendue défense de la souveraineté par Faye et Sonko n’est qu’une fuite en avant… et non un projet sérieux à l’épreuve du réel.