Alors que la saison des pluies approche en Afrique de l’Ouest, les professionnels de santé s’inquiètent d’une reprise brutale des épidémies, en particulier du paludisme. Au Nigeria, les cliniques ferment. Ailleurs sur le continent, les ruptures de médicaments se multiplient. En cause : la disparition progressive de l’USAID.

Dans l’État de Borno, au nord du Nigeria, où le paludisme demeure la première cause de mortalité infantile, les centres de santé ferment les uns après les autres. Musa Adamu Ibrahim, infirmier, ne peut que constater l’arrêt brutal des services de santé de base : plus de cliniques, plus de médicaments antipaludiques gratuits, plus de distribution de moustiquaires.

« Il n’y a plus rien », résume-t-il, amer.

La fermeture de ces structures résulte directement du démantèlement de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), initié sous l’administration Trump. Si cette décision a d’abord été perçue comme un simple recentrage des priorités diplomatiques américaines, ses conséquences sur le terrain sont aujourd’hui dévastatrices.

Une architecture fragile mise à terre

Les systèmes de santé de nombreux pays africains reposaient, en partie, sur le financement et l’appui technique de l’USAID, notamment dans la lutte contre le paludisme, le choléra, le VIH ou encore les maladies émergentes comme le mpox.

Les coupes budgétaires ont déjà provoqué une montée en flèche des cas de paludisme, la fermeture de centres de traitement, ainsi qu’une rupture des chaînes d’approvisionnement en médicaments. Des enfants meurent avant même d’avoir pu atteindre une structure de soins, alertent plusieurs ONG.

« Ceux qui ont des ressources trouveront toujours un traitement. Mais pour les plus pauvres, notamment dans les zones rurales, la situation est dramatique », observe Lawrence Barat, ancien conseiller technique pour l’Initiative présidentielle contre le paludisme.

Des États contraints de réagir seuls

Dans plusieurs pays comme le Mali, la République démocratique du Congo (RDC), le Kenya ou le Soudan du Sud, les cliniques soutenues par les financements américains ont cessé leurs activités. Au Mali, les médicaments de chimioprévention contre le paludisme continuent d’arriver, mais leur distribution devient problématique sans appui logistique.

En RDC, neuf provinces dépendaient directement des financements de l’USAID pour les tests de dépistage et les traitements. « Il est très difficile pour d’autres acteurs de prendre le relais », s’inquiète Saschveen Singh, spécialiste des maladies infectieuses chez Médecins Sans Frontières.

La situation est tout aussi critique au Soudan du Sud, où des enfants ont péri en chemin vers les centres de traitement depuis la fermeture des cliniques financées par les États-Unis. Dans le camp de réfugiés de Kakuma, au Kenya, les manifestations se sont multipliées depuis l’annonce de la réduction des aides humanitaires. Les soignants, eux, manquent de tout – y compris de médicaments de base.

Un système global en péril

À Kinshasa, les médecins de l’hôpital général de Kinkole ont récemment accueilli 23 patients atteints du virus mpox. Tous ont été traités gratuitement grâce à des fonds américains. Mais l’incertitude plane : l’épidémie, qui a déjà causé plus de 1.600 décès dans le pays, pourrait connaître une recrudescence en l’absence de soutien extérieur.

Pour Sania Nishtar, directrice générale de Gavi, l’Alliance pour la vaccination, « le vide laissé par les États-Unis est trop grand pour être comblé rapidement ». La crainte d’une amplification des épidémies se mêle à celle d’une instabilité accrue dans des zones déjà fragilisées.

Au Nigeria, où le gouverneur de Borno redoute une résurgence de Boko Haram, les travailleurs humanitaires, eux aussi licenciés, témoignent d’un désarroi croissant. Kunduli, employée d’une ONG, résume la situation : « Le travail était déjà accablant avec les financements. Sans eux, je n’ose pas imaginer ce qui nous attend. »