À la veille des élections américaines qui se tiendront le 5 novembre 2024, un scrutin marquant où Donald Trump, ancien président et candidat républicain, fait face à une compétition démocrate acharnée dont la représentante est l’actuelle vice-présidente Kamala Harris, Benjamin Mossberg, directeur adjoint du Centre pour l’Afrique du Conseil atlantique, nous livre son analyse sur l’avenir des relations entre l’Afrique et les Etats Unis en cas de victoire de Mme.Harris.
Si la vice-présidente américaine Kamala Harris est élue présidente en novembre prochain, les dirigeants africains savent déjà à quoi s’attendre, car elle suivra probablement les politiques de l’administration actuelle. En effet, elle a joué un rôle important dans le soutien de l’agenda africain de l’administration Biden, a siégé à la commission du renseignement du Sénat américain et a passé des années à poursuivre des affaires ayant des liens avec l’étranger.
Mais Mme Harris a une occasion importante de s’appuyer sur ces efforts pour faire progresser la politique américano-africaine. En tant que candidate à la présidence, Mme Harris a présenté sa campagne comme un « combat pour la liberté », ce qui suggère qu’elle pourrait mener une politique étrangère axée sur la promotion des idéaux, des institutions et des normes démocratiques à l’échelle mondiale. Bien qu’elle n’ait pas détaillé son programme de politique étrangère, l’attention qu’elle porte à des questions spécifiques – comme l’accès à l’avortement et les droits des LGBTQI+ – laisse penser qu’elle pourrait s’orienter vers une politique étrangère axée sur des questions précises, qui soutiendrait plus fermement les droits de l’homme et les efforts de lutte contre la corruption, entre autres.
Utiliser le pouvoir de la présidence
En tant que procureur et procureur général de Californie, Mme Harris s’est occupée d’un large éventail d’affaires et de législations ayant un lien avec l’international, sur des questions telles que la corruption, le trafic d’êtres humains, etc. Mme Harris devrait soutenir la stratégie américaine de lutte contre la corruption, publiée en décembre 2021, qui pourrait permettre aux agences de l’exécutif de mieux lutter contre la corruption en Afrique.
Dans ses remarques sur sa visite de 2023 au Ghana, en Tanzanie et en Zambie, Mme Harris a évoqué le pouvoir du partenariat avec les pays africains et les importantes opportunités d’investissement qu’ils offrent, notamment dans les domaines de la culture, de la musique et des arts. Mme Harris pourrait utiliser le pouvoir de la présidence pour s’appuyer sur le décret pris en 2022 par le président Joe Biden pour soutenir la culture africaine, les industries créatives et l’innovation numérique afin de renforcer la croissance économique et la prospérité en Afrique.
En tant que présidente, Mme Harris devrait éviter de reporter sans cesse ses visites en Afrique, comme l’a fait M. Biden, ce qui constituerait un changement de paradigme visible. Elle a pris l’initiative de montrer à l’Afrique à quel point elle lui tient à cœur en se rendant sur le continent en mars 2023. Néanmoins, si elle gagne, elle devrait envisager de se rendre en Afrique au cours de ses cent premiers jours (ou au moins de rencontrer des présidents africains à Washington) pour montrer que l’Afrique n’est pas trop loin sur sa liste de priorités.
Travailler avec le Congrès
Si la politique américano-africaine – en particulier en ce qui concerne les droits de l’homme, la bonne gouvernance et les priorités de la sécurité nationale des États-Unis – a toujours été bipartisane, Mme Harris devra, si elle devient présidente, faire un effort délibéré pour travailler avec les démocrates et les républicains afin de faire avancer la législation essentielle jusqu’à son bureau. Plusieurs outils de la politique américano-africaine devront faire l’objet d’une action législative au cours de son mandat.
L’initiativeProsper Africa, une initiative en cours lancée en septembre 2019 pour accroître le commerce et les investissements bilatéraux entre les États-Unis et les pays africains, devrait être codifiée dans la loi pour garantir son succès à long terme dans le soutien de la croissance économique en Afrique. En ce qui concerne le commerce et l’investissement, une législation est nécessaire pour réautoriser la loi sur la croissance et les opportunités en Afrique (African Growth and Opportunity Act), la Société de financement du développement international (DFC) en 2025 et la Banque américaine d’import-export (US Export Import Bank) en 2026. L’éventuelle administration Harris doit collaborer avec le Congrès pour donner la priorité aux efforts visant à réautoriser et à moderniser ces politiques et agences. Par exemple, la DFC a besoin de pouvoir prendre des décisions de financement plus rapides et de pouvoir déployer des ressources plus importantes pour contrer l’influence des concurrents mondiaux, étendre les partenariats, garantir l’accès aux minerais essentiels et assurer les objectifs de sécurité économique nationale des États-Unis en Afrique.
Le personnel en tant que politique
La réussite de la politique américano-africaine dépend des personnes qui la mettent en œuvre. Si elle l’emporte, Mme Harris devra veiller à doter son Conseil de sécurité nationale (NSC) d’experts qui s’engagent à montrer que l’Afrique est une priorité présidentielle, à élaborer des politiques efficaces et à organiser des visites de haut niveau sur le continent et des réunions à la Maison Blanche avec les dirigeants africains. Mme Harris et son équipe devraient faire preuve de créativité dans le recrutement des personnes qui occuperont les fonctions au sein du NSC, en s’adressant aux secteurs public et privé pour s’assurer que les bonnes personnes occupent les bons postes.
Pour commencer, Mme Harris devrait s’assurer que le secrétaire adjoint aux affaires africaines du département d’État est l’un des meilleurs diplomates des États-Unis et qu’il ou elle dispose des relations et des compétences nécessaires pour diriger une équipe dynamique dès le premier jour. En outre, M. Harris devrait consacrer du capital politique au Congrès pour s’assurer que le département d’État est en mesure d’accomplir les tâches qui lui sont confiées. Il s’agit notamment de pouvoir pourvoir rapidement les postes historiquement difficiles à pourvoir au sein du bureau pour l’Afrique et des ambassades, de réduire les charges liées aux rapports annuels sur des questions telles que les droits de l’homme et la traite des êtres humains et d’accorder moins d’importance au type de rapports et de câbles génériques que l’on peut facilement trouver dans les médias à source ouverte, car ces efforts font perdre du temps à des tâches plus importantes.
Si elle devient présidente, Mme Harris devra s’attaquer à des questions qui se sont révélées difficiles pour les décideurs américains comme pour les dirigeants africains, qu’il s’agisse de promouvoir la croissance économique, de protéger les droits de l’homme, de lutter contre la corruption ou d’autres choses encore. Pour aborder ces questions de manière efficace, elle aura besoin d’une stratégie revigorée qui renforce et modernise les efforts précédents. Mme Harris ne peut pas rater le coche en Afrique – après tout, la Russie et la Chine l’observent de près et attendent d’exploiter toute occasion manquée.