Hasard du calendrier, au lendemain de l’expulsion du Burkina Faso des correspondantes des journaux français « Libération » et « Le Monde », Reporters sans frontière (RSF), a publié, lundi 3 avril 2023, son rapport intitulé « Dans la peau d’un journaliste au Sahel ». La violence exercée par les bandes armées, les lois en lien avec le numérique utilisées par certains États pour réduire la liberté de la presse, mais également les tentatives de contrôle par les juntes militaires au pouvoir dans plusieurs pays dans cette région, sont autant de menaces sur les journalistes que révèle l’enquête publiée par l’ONG.
Dans un document d’une quarantaine de pages, l’ONG liste les dangers et les nombreuses menaces auxquels sont confrontés les journalistes dans la région, faisant dire à RSF que la liberté de la presse est de plus en plus menacée au Sahel.
Une publication qui tombe justement au lendemain de l’expulsion, dimanche 2 avril, du Burkina Faso, des correspondantes des quotidiens français « Le Monde » et « Libération », sans aucun motif officiel jusque-là. Selon RSF, le Sahel devient une zone de « non-information » où les difficultés liées à l’environnement sécuritaire, mais aussi institutionnel, sont nombreuses.
Les journalistes subissent la menace des bandes armées, qui a pris de nouvelles proportions depuis 10 ans, avec notamment l’assassinat, en 2013 au Mali, des confrères de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon.
Toujours selon RSF, le Nord du Mali, la zone allant de Gao à Kidal est devenue un « no man’s land » pour les reporters, où le risque d’assassinat et d’enlèvement est maximal. L’ONG en veut pour preuve les enlèvements de Hamadoun Nialibouly et de Moussa M’Bana Dicko dans cette zone. Deux journalistes maliens toujours portés disparus. Trois autres journalistes ont été tués depuis 2019, sur les rives du lac Tchad et dans l’Est du Burkina Faso.
RSF pointe également du doigt les juntes militaires, arrivées au pouvoir à la faveur de coups d’État, notamment au Mali, au Burkina Faso, voire au Tchad. Des gouvernements qui essayent par tous les moyens de « contrôler les médias », en particulier du service public, selon l’ONG. En guise d’exemple, au Mali et au Burkina Faso, les putschistes imposent aux journalistes la lecture de leurs communiqués, souligne RSF.
Il y a également l’utilisation abusive de lois qui permettent de condamner et d’emprisonner les journalistes, au lieu de les protéger, notamment au Bénin et au Niger, en relation avec le cyberespace, note l’ONG. Ainsi, « la peur des représailles favorise l’autocensure. La rétention d’informations devient la norme », regrette RSF.
Déjà suspendue au Mali, la chaine de télévision française France 24 a été coupée le 27 mars dernier au Burkina Faso. Radio France internationale (RFI), n’émet plus dans ces deux pays depuis plusieurs mois maintenant.
Entre 2013 et 2023, cinq journalistes ont été tués, six autres portés disparus et 120 arrêtés ou détenus dans la bande sahélienne, selon RSF.