Le chef de la junte, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya veut que la bauxite, essentielle à la fabrication de l’aluminium, soit désormais transformée en Guinée. Il a ainsi mis en demeure les compagnies minières étrangères de construire des raffineries sur place pour un partage équitable avec le pays des revenus de ses ressources. Ces entreprises ont jusqu’au 31 mai pour proposer un calendrier précis, mais elles émettent des réserves sur la méthode et la faisabilité du projet.
Mamady Doumbouya a convié les compagnies minières étrangères à une rencontre, vendredi dernier, dont la vidéo a été posté sur la page Facebook de la présidence.
« En dépit du boom minier du secteur bauxitique, force est de constater que les revenus escomptés sont en-deçà des attentes, vous et nous ne pouvons plus continuer à ce jeu de dupes qui perpétue une grande inégalité dans nos relations », a regretté d’emblée le chef de la junte.
Selon le président de la transition, la transformation sur place du minerai « devient incontournable, c’est un impératif et sans délais ». Il a rappelé que les conventions passées entre le gouvernement guinéen et différents groupes stipulaient que le raffinage aurait lieu sur place, mais qu’elles restaient « lettre morte ».
Aussi, a-t-il martelé, « le non-respect de ces conventions est une cause de nullité et leur application est non-négociable pour le gouvernement ».
Ainsi, a-t-il poursuivi, « avant fin mai, je vous demande de revenir auprès du ministre des Mines et de la Géologie avec des propositions, un projet, un chronogramme (calendrier) précis de construction de raffineries d’alumine en République de Guinée », précisant que toutes les matières premières entrant dans la fabrication devront également être produites sur place.
Enfin a-t-il prévenu, les compagnies qui enfreindraient les délais de construction de raffineries seraient sanctionnées de pénalités.
La bauxite, seulement 8% du budget de l’État et 6% du PIB guinéen
Mais du côté des compagnies l’on émet des réserves aux injonctions du président de la transition. Pour Thierno Madiou Barry, le PDG de Kebo Energy, une entreprise qui développe un projet d’exploitation de bauxite, qui s’est confié à RFI, c’est au promoteur de décider. « C’est le promoteur qui programme pour une industrie. Ce n’est pas parce qu’un chef de l’État veut une industrie qu’on peut faire une industrie », a-t-il répliqué.
Selon l’économiste Mamoudou Touré, cité par la même source, « il faut comprendre aussi que la transformation de bauxite en alumine créera de la chaîne de valeur, mais génère aussi des coûts extrêmement importants, surtout énergétiques. Donc, c’est faisable à condition que certaines contraintes infrastructurelles en matière de production énergétique soient levées », indique-t-il.
D’ailleurs le chef de la junte s’est dit « conscient de la complexité » de son « projet de construction de raffineries », mais s’est montré inflexible.
En mars dernier, Mamady Doumbouya avait ordonné la cessation de toute activité sur le site de l’immense gisement de fer de Simandou, pour réclamer que les intérêts nationaux soient préservés par ses exploitants étrangers, dont la SMB et Rio Tinto. Depuis, un accord-cadre de 15 milliards de dollars a été signé fin mars entre l’Etat guinéen et les exploitants pour un co-développement du gisement.
Le colonel Doubouya qui regrette que la bauxite ne représente que 8% du budget de l’État et 6% du PIB guinéen, alors que la Guinée possède, avec une estimation de 7,4 milliards de tonnes, les plus importantes réserves mondiales de bauxite. Elle est le deuxième producteur de ce minerai. La Chine, par exemple, importe de Guinée environ la moitié de ses besoins de bauxite.