Principale figure de l’opposition sous Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo, trois fois candidat à l’élection présidentielle (2010, 2015 et 2020) en Guinée, a pris la parole, six mois après le putsch du 5 septembre dernier. Dans une large interview accordée au journal français Le Point, le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) s’inquiète des actes posés par la junte au pouvoir qui n’a toujours pas fixé une durée pour la transition. La mise à l’écart de la classe politique dans la gestion de la transition, le harcèlement de certains leaders politiques et l’absence de dialogue, sont autant d’éléments qui poussent le leader politique à s’interroger sur les intentions des militaires, qui avaient promis un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
« Six mois après, nous sommes plutôt déçus car, jusqu’à présent, nous n’avons pas de visibilité. On ne sait pas quand la transition va prendre fin. Aucune date n’a été donnée par la junte, qui a exclu la classe politique de la gestion de cette transition. Nous avons réclamé un dialogue politique pour définir ensemble le contenu de la transition, sa durée, le statut de l’organe de gestion des élections, comment disposer d’un fichier qui reflète fidèlement le corps électoral guinéen, mais nous ne sommes pas écoutés », a déploré Cellou Dalein Diallo.
Evoquant la nécessité d’un dialogue entre la junte et les acteurs politiques, l’ancien Premier ministre a émis le souhait qu’un facilitateur de la Cédéao, de l’Union africaine ou des Nations unies, soit désigné pour aider les parties prenantes à s’entendre.
« Nous avons fait une déclaration signée par 58 partis. On a d’abord constaté qu’il y avait des risques de déviation de cette transition, notamment une instrumentalisation de la justice par des tentatives d’élimination, d’exclusion de leaders politiques, soit dans la campagne de récupération de biens publics, soit dans les actions de la Cour pour la répression des crimes économiques et financiers. On sent qu’il y a parfois une volonté de harceler des leaders politiques qui ont sans doute des capacités de mobilisation reconnues et un poids électoral suffisant pour être des acteurs majeurs de la compétition si elle a lieu », fait-il remarquer.
Soulignant que « le CNRD a écrit des lettres à des coalitions pour les inviter à rencontrer le ministre de l’Administration du territoire afin de discuter du cadre du dialogue », il indique, toutefois que « nous pensons que ce cadre de dialogue doit regrouper des délégations des six institutions : le CNRD, le gouvernement, le CNT, les partis politiques, la société civile et les partenaires techniques et financiers ».
Cellou Dalein Diallo rappelle également que la Cédéao avait exigé « le retour à l’ordre constitutionnel organisé dans un délai de six mois », avant de marteler : «Nous y sommes ».
Se prononçant sur le futur de la Guinée, le leader de l’UFDG se dit « sceptique car depuis six mois rien n’a bougé. On s’interroge donc sur la volonté de la junte. Est-elle disposée à rendre les pouvoirs aux civils dans un délai raisonnable ? Veut-elle rester aussi longtemps que possible ? À défaut d’être candidat, n’aura-t-elle pas de candidat ? Les Guinéens s’interrogent actuellement ».
Toutefois, souligne-t-il, « dans la Déclaration que les 58 partis ont signée et diffusée, il est dit qu’on se réserve le droit d’user de tous les moyens légaux pour la satisfaction de ces revendications légitimes y compris la reprise des manifestations sur la place publique ».