Le président tunisien Kais Saied a annoncé la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), organe de supervision judiciaire qu’il accuse de partialité. Une décision qui a suscité des inquiétudes pour l’état de droit, même si elle a été applaudie dans des manifestations à Tunis.
« Le CSM appartient au passé », a déclaré le président tunisien dans une vidéo, dénonçant une instance, à ses yeux, corrompue qui aurait ralenti notamment les enquêtes sur les assassinats en 2013 de deux militants de gauche.
Le CSM a rejeté, dans un communiqué, la dissolution « en l’absence d’un cadre juridique et constitutionnel autorisant » le président à le faire. Dénonçant « une atteinte à la Constitution et aux garanties d’indépendance de la justice », le CSM a annoncé que « ses membres continueront à siéger ».
Selon des experts, Saied a voulu cibler le parti Ennahdha, sa bête noire, qui a contrôlé le Parlement et les gouvernements des dix dernières années après la Révolution de 2011 dans ce pays berceau du Printemps arabe.
Il s’agit d’« un précédent grave que la Tunisie n’a jamais eu à subir y compris du temps de la dictature » de Zine El Abidine Ben Ali (1987-2011), a dénoncé le porte-parole d’Ennahdha, Imed Khemiri, cité par l’AFP.
Le CSM, instance indépendante créé en 2016 pour nommer les juges, est composé de 45 magistrats, pour les deux tiers élus par le Parlement et qui désignent eux-mêmes le tiers restant.
« Les postes et les nominations se vendent et se font selon les appartenances », a accusé le président Saied, en affirmant que « certains magistrats ont pu recevoir » de grosses sommes d’argent en contrepartie.
Rappelons que le président tunisien s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet, quand il a limogé son Premier ministre et gelé le Parlement, des mesures dénoncées comme un « coup d’Etat » par Ennahdha et d’autres opposants.