Premier ministre depuis 2018, Aby Ahmed se succède à lui-même, à la suite de la large victoire de son parti, lors des dernières élections législatives.

Mais son image de réformateur, « réunificateur » de l’Ethiopie, s’est beaucoup dégradée, depuis deux ans et la guerre sanglante qu’il a lancée contre le Tigré.

Reconduit, officiellement, à son poste, ce jour, il va devoir s’atteler à mettre fin à ce conflit dévastateur qui est en train d’hypothéquer l’avenir de son pays.

En effet, les forces fédérales qui ont semblé, dans un premier temps, pouvoir mater les « rebelles du Tigré », se heurtent à une résistance farouche de ces derniers et, pire, subissent, de plus en plus des revers cuisants.

Les troupes de l’Erythrée qui prêtaient main forte aux « fédéraux éthiopiens », se sont retirées sous la pression internationale, avec les accusations de « crimes de guerre et contre l’humanité » portées contre elles.

Face aux combattants tigréens, très bien entrainés -ils étaient l’élite de l’armée éthiopienne, lorsque la minorité tigréenne a dirigé le pays pendant des décennies-, les soldats éthiopiens ne font pas le poids. Malgré leur supériorité numérique.

Aby Ahmed entame donc, un nouveau mandat, dans un contexte difficile, à la fois sur le plan national et sur le plan international, car il est en bisbilles avec l’ONU, pour avoir expulsé d’Addis Abéba, des représentants d’ONG humanitaires.

Ces dernières ont critiqué, de manière véhémente, les exactions commises au Tigré et ont écorné, ainsi, davantage l’image d’Aby Ahmed lui-même, qui avait remporté le Prix Nobel de la Paix, en 2019.

Pour son action en faveur de la réconciliation entre l’Ethiopie et l’Erythrée, mais aussi, pour son action politique ayant contribué à démocratiser son propre pays.

Aby a libéré des milliers de prisonniers politiques, établi la parité et s’est rapproché des populations les plus défavorisées.

Il a fait des pas de géant pour renforcer l’unité nationale éthiopienne qui reste un immense chantier dans un pays où les divisions ethniques restent vivaces.

Aby qui est un « métisse » sur les plans biologique (son père est Oromo), l’ethnie majoritaire, relativement et sa mère Amhara, (la deuxième ethnie du pays) ; et confessionnel, (son père est musulman et sa mère chrétienne), était comme une « synthèse » pour l’ensemble de ses concitoyens.

Son succès fut fulgurant, jusqu’à ce qu’il s’attaque aux Tigréens.

Le Prix Nobel de la Paix s’est transformé en partisan de la guerre et s’est retrouvé piégé, dans un conflit qu’il ne peut pas gagner.

Les Tigréens sont des guerriers aguerris et des nationalistes farouches et c’est ce qui expliquent le camouflet qu’ils sont entrain d’infliger à l’Armée éthiopienne.

La « guerre éclair » imposée par Aby, au tout début, avait donné des résultats, au prix de massacres qui n’ont pas fini d’être investigués et qui pourraient pousser la CPI (Cour pénale internationale), à diligenter des enquêtes approfondies.

Mais, les combattants tigréens se sont repliés dans les montagnes et ont trouvé les moyens de revenir en force.

Le « huis-clos » imposé par Addis-Abéba ne tient plus et la communauté internationale est mieux informée sur les cruautés perpétrées au Tigré.

C’est ce qui explique ,entre autres le geste désespéré d’Abycontre l’ONU et qui va se retourner contre lui, comme un boomerang politique et diplomatique.

Et, pourtant, dans l’état actuel des choses, seule la communauté internationale pourrait le sortir de ce piège.

Si, comme le dit Clausevitz : « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens » ; la tournure proposée par Foucault, à savoir que : « la politique est (aussi), la continuation de la guerre par d’autres moyens », est aussi pertinente.

Aby, qui est militaire de formation et titulaire d’un doctorat en sciences politiques, est bien placé pour agir, dans ce contexte spécifique. Pour sauver son pays dont le développement économique spectaculaire, ces dix dernières années, est sérieusement menacé par un conflit que ni Aby, ni les Tigréens ne peuvent gagner.

Il faudra donc trouver un « compromis dynamique », pour sceller une paix des braves.

Toutes les guerres finissent, d’une façon ou d’une autre, à la table de négociation.