S’affirmant menacé, le prix Nobel de la Paix 2018, le Congolais Denis Mukwege, se retrouve au cœur des tensions entre son pays et le Rwanda voisin, en dénonçant l’impunité qui accompagne les tueries incessantes dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).
Les forces de sécurité ont dispersé vendredi un rassemblement de militants demandant aux autorités congolaises « l’expulsion immédiate » du nouvel ambassadeur du Rwanda. Ils accusent le diplomate, Vincent Karega, de faire preuve de « révisionnisme » en niant le rôle du Rwanda dans un des innombrables massacres qui ont marqué les deux guerres du Congo (1996-2003) dans l’Est.
« Je ne suis pas révisionniste. J’ai posé des questions sur des accusations portées contre mon pays. Je n’ai pas remis en cause les morts », se défend l’ambassadeur rwandais cité par l’AFP. Les organisateurs du sit-in demandaient également l’arrêt des menaces à l’encontre du Dr Denis Mukwege. « Touche pas au Prix Nobel », pouvait-on lire sur une affichette tenue par un manifestant.
Vendredi soir, l’ONG de défense des droits de l’Homme Amnesty International a demandé au gouvernement congolais et aux Nations unies de prendre des « mesures urgentes et concrète » pour assurer la protection de M. Mukwege.
Célèbre pour sa défense des femmes violées et les soins qu’ils leur apporte, le célèbre gynécologue s’estime menacé – sans dire par qui – depuis qu’il a dénoncé un nouveau massacre de civils en juillet dans sa province orientale du Sud-Kivu, à la frontière du Rwanda. Ce massacre a été attribué à des Congolais tutsis rwandophones (les Banyamulenge), en conflit avec d’autres communautés congolaises.
De nombreux Congolais estiment que les milices Banyamulenge sont soutenues par le Rwanda pour contrôler l’Est de la RDC et ses ressources foncières et minières, ce que récuse Kigali. « Ce sont les mêmes qui continuent à tuer en RDC (…) dans la droite ligne des massacres qui frappent la RDC depuis 1996 », a dénoncé fin juillet 2020 Mukwege, sans autre précision.
Le médecin demande l’instauration d’une juridiction internationale pour poursuivre les auteurs des massacres commis dans l’Est de la RDC depuis cette époque. Comme il l’a encore fait cette semaine devant des députés européens, il cite un rapport des Nations unies de 2010, violemment critiqué par le Rwanda. Cette enquête documente « 617 incidents violents commis entre 1993 et 2003 ». « Certains actes pourraient même être constitutifs de crimes de génocide, s’ils étaient portés à la connaissance d’un tribunal compétent », a-t-il ajouté, reprenant les conclusions du rapport.
Le rapport vise toutes les forces armées et leurs milices qui ont participé aux deux guerres du Congo parfois qualifiées de « guerre mondiale africaine »: RDC (ex-Zaïre), Ouganda, Burundi, Angola, et, bien sûr, l’armée rwandaise de Paul Kagame.