Demain commence le dialogue national souhaité par le président Ali Bongo, six mois après sa réélection très compliquée. Son principal rival, Jean Ping continue de refuser sa défaite et va donc boycotter un « dialogue » qui perd ainsi beaucoup de sa crédibilité.
C’est cet handicap de départ que les partisans de Ali Bongo doivent surmonter pour faire basculer la société civile qui a répondu massivement à l’appel et à la cinquantaine de partis politiques-certes dont la représentativité est inégale-qui en a fait de même.
Le défi est de surprendre les gabonais d’abord et la communauté internationale ensuite par des propositions hardies pour « doper » la démocratie gabonaise, la faire entrer définitivement dans la cour des grands où les contestations électorales appartiennent à un passé révolu. Comme au Ghana, au Cap-Vert, au Sénégal, au Bénin, en Afrique du Sud etc…
Pour ce faire, le pouvoir gabonais doit être convaincu que le changement est incontournable sauf à vouloir plonger le pays dans un cycle sans fin de violence.
Des garanties sérieuses de transparence du processus électoral peuvent et doivent être données pour l’organisation des futures joutes électorales à commencer par les législatives prévues avant fin juillet de cette année.
Les problèmes identifiés pendant le scrutin présidentiel sont à régler de manière consensuelle pour rassurer tous les acteurs politiques. Une amnistie pourrait être envisagée pour certaines personnalités qui ont maille à partir avec la justice pour des problèmes politiques ou autres. L’objectif est de pacifier l’espace politique et de favoriser une nouvelle donne, l’émergence d’un climat de paix et de confiance sans lequel rien de durable ne sera possible.
Entre les partisans de Ping et d’Ali Bongo, il y a un lourd passif à solder politiquement et c’est possible de le faire. Avec des engagements clairs, des médiations crédibles et une action de communication forte envers les populations. La politique qui est la poursuite de la guerre par d’autres moyens comme l’affirme Clausewitz, finit aussi à la table de négociations.
Ping est encore très amer pour répondre à l’acte posé par le président ; mais il va accepter la main tendue à un moment donné. C’est le pouvoir qui a les cartes en main pour accélérer le processus.
C’est pourquoi le dialogue qui s’ouvre ce mardi est une étape fondamentale si d’emblée, le régime réussit à convaincre de sa volonté réelle de dialoguer et de faire des propositions pertinentes pour un scrutin à deux tours, une limitation des mandats présidentiels, une sécurisation des listes électorales avec des processus de vérification qui garantissent une transparence véritable.
Ali Bongo doit savoir qu’il n’a pas le choix : davantage de transparence est une exigence fondamentale et l’unique voie pour réconcilier ses concitoyens. L’éventuelle création d’un poste de vice-président pourrait être une solution pertinente. Il faut trouver les bons médiateurs et ouvrir des discussions sans tabou.
Mais il faut aussi éviter que le « dialogue » préconisé soit perçu comme un « deal » politicien.
Il s’agit de faire évoluer positivement et de manière décisive, la démocratie gabonaise. Non de reconfigurer un nouveau partage du « gâteau du pouvoir ». Le Gabon a beaucoup souffert de la gabegie et ne peut plus se permettre d’assurer des rentes à une « classe politique » repue. L’heure est à la résolution des problèmes majeurs auxquels sont confrontées les populations, les jeunes en tête. Justement la vraie démocratie va favoriser une telle évolution des mentalités.
La seule jouissance du pouvoir ne peut être l’alpha et l’oméga de sa conquête en démocratie.
Ali Bongo a une responsabilité historique : engager son pays dans la voie de l’émancipation économique et politique, en opérant une rupture intelligente. Les difficultés électorales auxquelles il a fait face sont aussi la conséquence d’un manque de prise en compte de certaines réalités nationales.
La bonne gouvernance n’exclut pas de sacrifier à certaines actions politiquement indispensables et qui sont liées à certaines spécificités selon les pays.
Beaucoup de compagnons du président Omar Bongo n’ont pas compris la démarche de Ali. Ping en fait partie. Il ne s’agit pas de revenir au passé mais d’éviter de heurter des personnes représentatives. La politique est aussi l’art du possible. L’essentiel est que les populations soient mieux servies et que leurs intérêts soient défendus bec et ongle.
Ali Bongo, président de tous les gabonais a beaucoup de cartes en main pour déclencher l’électrochoc indispensable à son pays. Le dialogue national qui commence demain est une grande opportunité. Elle doit être saisie.