La défaite et le départ en exil du dictateur Yaya Jammeh ne suffisent pas pour que paix, sécurité et démocratie s’enracinent en Gambie. Vingt-deux ans de terreur laissent des sillons profonds dans les esprits et les comportements. En outre il y a des habitudes mafieuses qui se sont développées dans le pays et qui ont permis de bâtir des fortunes illicites. C’est dire que des intérêts puissants existent en Gambie avec des complices dans les pays voisins qui ne vont pas rentrer dans les rangs sans y être contraints et forcés.
Une fois Barrow installé au pouvoir, il sera face à une situation difficile à la tête d’un pays qui vit sur le dos du Sénégal, avec des trafics en tous genres(armes, bois, drogue, mercenaires etc…). La tentation sera grande de surfer sur la vague même si, dans les premiers moments il ne peut oublier qui l’a « fait roi ».
L’exemple du coup d’Etat de Koukoi Sagna en 1981 et l’intervention des soldats sénégalais est édifiant : le président Dawda Jawara sauvé a fini par trahir le Sénégal en rendant la « Confédération sénégambienne » vide de sens. Et le président Abdou Diouf n’avait plus d’autre choix que de la dissoudre.
Faut-il rappeler que « les mêmes causes produisent les mêmes effets » ? La Gambie est un Etat « sangsue » de par sa « nature », enclavée dans le Sénégal, il prospère par les avantages comparatifs économiques et monétaires que favorise cette situation spécifique.
Il s’y ajoute que des régimes comme ceux de Guinée Conakry et de Mauritanie, par jalousie et/ou positionnement de rivalité par rapport au Sénégal ont toujours utilisé la Gambie pour essayer de déstabiliser Dakar. Sans oublier le jeu fourbe de Yaya Jammeh qui armait et manipulait les rebelles casamançais du MFDC(mouvement des forces démocratiques de Casamance).
Purger le pays sera donc une tâche ardue pour Barrow qui, s’il est sincère aura beaucoup d’obstacles à franchir. Il ne peut pas le faire tout seul. C’est donc une bonne décision de conserver les forces de la CEDEAO sur place pour assurer la sécurité et la réorganisation de l’armée hypertrophiée par des recrutements ethnicistes de la part de Jammeh. Cette question ne sera pas la plus simple à poser et à résoudre.
Dans ce contexte le président Macky Sall doit continuer à agir avec fermeté et perspicacité comme il l’a fait jusqu’ici.
Adama Barrow est certes un homme de qualité mais les « Etats n’ont pas d’amis; ils ont des intérêts ». C’est l’occasion ou jamais pour Dakar de faire place nette en Gambie. Tous les malfrats et autres comploteurs qui empoisonnent la sous-région doivent être identifiés et expulsés. Sans état d’âme !
En Gambie le vrai changement c’est maintenant !
Cette action de salubrité démocratique est bénéfique pour les Gambiens aussi. Elle permettra de renforcer les relations économiques entre les deux pays dont l’intégration, sur ce plan est imposée par la géographie et l’histoire. Par la culture qui est celle d’un peuple sénégambien un et indivisible.
Il faut fermer définitivement la porte de la Gambie aux ennemis du Sénégal sans sourciller. La souveraineté de la Gambie n’est pas en cause; elle ne peut pas se conjuguer avec la déstabilisation du seul et unique pays dont elle est frontalière.
La balle est dans le camp de Macky Sall qui a su agir avec tact et efficacité jusqu’ici. Avec fermeté aussi ! Le « courant passe » comme on dit avec Adama Barrow mais il faut dépasser l‘émotion de l’heure. Le pouvoir est une drogue à laquelle peu de personnes résistent. La prudence exige de verrouiller par des actes tout ce qui peut l’être pour garantir la quiétude des sénégalais et des gambiens.
Un vaste chantier bilatéral s’ouvre sur tous les plans. L’intégration économique sera la mère des bataille. Il faut la mener en prenant en compte les intérêts bien compris de la majorité et des sénégalais et des gambiens. Si l’adhésion populaire est acquise, avec une communication pertinente, alors la victoire contre yaya Jammeh sera un triomphe pour le peuple sénégambien.
Macky Sall a fait un sans faute jusqu’ici. Il a tous les atouts en mains pour réussir une action historique qui changera à jamais les relations sénégambiennes.