Paul Biya, le chef d’État africain le plus âgé (86 ans) et qui compte 37 ans de pouvoir à son actif, a décidé de lâcher du lest, pour desserrer quelque peu son emprise sur le Cameroun. Mieux vaut tard que jamais !
En effet la libération de Maurice Kamto, son challenger de la dernière présidentielle, avec 102 autres personnes et l’annonce de la mise en place d’une politique de décentralisation dans les régions anglophones, suite à un « dialogue politique national », sont bien des actes concrets qui prouvent la volonté du président Biya de mettre de l’eau dans son vin d’« homme fort ».
Le régime Biya, malgré une démocratisation formelle, est autoritaire. L’homme n’hésite pas à tuer dans l’œuf toute velléité de contestation, en remplissant, par là-même, les prisons. C’est ainsi que, depuis bientôt quatre décennies, il règne sur le Cameroun, ayant réussi à museler et/ou éliminer tous ses adversaires politiques.
La limitation des mandats écartée, il reste la limite objective et incontournable de la vieillesse. C’est, sans doute celle-ci qui explique le rétropédalage actuel et aussi l’avènement d’opposants de plus en plus hardis qui défient le patriarche, réélu, l’année dernier, à un mandat de 7 ans. S’il boucle cette énième mandature, Biya aura 92 ans.
Il peut toujours dire que Mahatir de la Malaisie est revenu au pouvoir à cet âge canonique et, peut-être, se présenter à l’élection suivante. En Afrique centrale la « règle » est la présidence à vie et l’exception l’alternance pacifique au pouvoir.
Au Cameroun, la passivité des acteurs politiques a toujours intrigué les observateurs qui n’ont jamais compris pourquoi les citoyens d’un pays potentiellement riche en ressources humaines et naturelles ont accepté une sorte de soumission à un régime liberticide et corrompu ?
Biya est connu pour ne pas organiser de conseil des ministres et à séjourner, le plus clair de son temps, à l’étranger. C’est comme si, il dirige son pays par procuration, ou en pilotage automatique. Et, malgré cela le contrôle de manière efficace, comme sa longévité au poste de chef de l’État, le démontre.
C’est ce mode gouvernement qui est maintenant remis en cause et la faiblesse du vieux lion explique aussi cela. Le problème est de savoir si le rétropédalage entamé va suffire.
L’expérience démontre que lorsqu’un autocrate commence à reculer, ses opposants ont tendance à s’engouffrer dans la brèche des espaces de libertés conquis. Au Cameroun, rien ne sera plus comme avant.
Biya en a t-il conscience ? Rien n’est moins sûr !