Quel bilan après six mois de contestation en Algérie ? Six mois après, ce mouvement ne faiblit pas mais fait face à un pouvoir désormais inflexible. L’impasse pourrait durer.
Le 22 février, les Algériens descendaient dans les rues, notamment à Alger, où toute manifestation était interdite depuis 18 ans, donnant le coup d’envoi d’une contestation inédite.
Mais depuis la démission du président algérien Abdelaziz Bouteflika, le « Hirak » n’a obtenu aucune avancée vers le changement de régime qu’il réclame et le « système » est toujours en place. Le haut-commandement de l’armée, affaibli sous Bouteflika, est de nouveau le détenteur du pouvoir réel.
À noter que la démission de Bouteflika, au pouvoir depuis 20 ans a été suivi par l’arrestation de plusieurs figures honnies et jusque-là intouchables de sa présidence, hommes politiques et d’affaires soupçonnés depuis longtemps d’entretenir des liens de corruption.
Mais le pouvoir algérien est désormais confronté à une société ayant pris conscience de sa force collective et qui a retrouvé une liberté d’expression. « La libération de la parole, y compris au sein même des institutions de l’État », est un des « acquis indéniables », estime l’universitaire algérien Mohamed Hennad, cité par l’AFP.
Mais depuis des semaines, la situation apparaît totalement bloquée. Les efforts du gouvernement pour calmer la population via des petites mesures essentiellement symboliques ont surtout nourri la demande pour un changement plus complet, selon les analystes.
Pour le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée et actuel homme fort, les « revendications fondamentales » du mouvement ont été « entièrement » satisfaites. Sous-entendu: la contestation n’a plus de raison d’être.
Le pouvoir continue pourtant de rejeter catégoriquement la revendication centrale : le démantèlement, au profit d’organes de « transition », des institutions et le départ du pouvoir de tous ceux ayant accompagné et soutenu Bouteflika.
Les autorités n’acceptent de parler que de l’organisation d’une présidentielle devant élire un successeur à Bouteflika. Seule solution, selon elles, pour sortir le pays de l’impasse institutionnelle née de l’impossibilité d’organiser le scrutin prévu le 4 juillet, faute de candidat.
Mais le “Hirak” refuse que « l’ancien régime », accusé de décennies de fraudes, organise le moindre scrutin, et les manifestants sont parvenus jusqu’ici à maintenir un front uni. Pour tenter de faire accepter la présidentielle, le pouvoir a confié le soin d’en définir les modalités à une instance consultative ad hoc, mais celle-ci peine à se forger une légitimité et, chaque vendredi, les manifestants la vouent aux gémonies.