Deux anciens membre de la garde présidentielle ont accusé l’ex-président gambien, Yahya Jammeh, d’avoir ordonné l’exécution sommaire d’une trentaine de migrants originaires du Ghana. Les déclarations de ces deux anciens membres de la garde ont eu lieu lors d’une audition publique devant la Commission vérité et réconciliation (TRRC).
« Yahya Jammeh a ordonné l’exécution de ces ressortissants étrangers, présentés comme des mercenaires », a déclaré devant la TRRC Omar Jallow, ex-membre des « junglers », une unité officieuse de soldats choisis au sein de la garde nationale.
Selon son récit, qui confirme une enquête des ONG Human Rights Watch (HRW) et TRIAL, ces 30 Ghanéens ont été emmenés dans le village du président, Kanilai, avant d’être exécutés de l’autre côté de la frontière sénégalaise.
Les autres migrants ont également été tués, à l’exception d’un unique survivant ghanéen, Martin Kyere, qui avait réussi à sauter du véhicule en marche. Yahya Jammeh, en exil en Guinée Équatoriale, a toujours démenti être impliqué dans ces assassinats.
Les meurtres, qui remontent à juillet 2005, visaient 30 Ghanéens faisant partie d’un groupe de migrants clandestins -44 Ghanéens et plusieurs Nigérians, Sénégalais et Togolais- arrêtés sur une plage de Gambie alors qu’ils tentaient de se rendre en Europe.
Un autre militaire, Malick Jatta a également avoué mardi avoir tué l’un des migrants ghanéens, mais assuré avoir épargné un fuyard, dans une probable référence à Martin Kyere.
Omar Jallow a expliqué que leur commandant, le lieutenant Solo Bojang, « nous a dit que l’ordre de l’ancien chef de l’État (Yahya Jammeh) était de les fusiller ». « On les a conduits un par un jusqu’au lieu d’exécution et Sanna Manjang et Malick Jatta leur ont tiré dessus et les ont jetés dans un puits ».
« La question maintenant est de savoir si Jammeh devra rendre des comptes », a réagi le conseiller juridique de Human Rights Watch Reed Brody.
Arrivé au pouvoir par un putsch sans effusion de sang en juillet 1994 dans ce petit pays anglophone d’Afrique de l’Ouest, Yahya Jammeh s’était fait élire en 1996 puis réélire sans interruption jusqu’à sa défaite en décembre 2016 face à l’opposant Adama Barrow.
Les défenseurs des droits de l’Homme accusent son régime de tortures systématiques d’opposants et de journalistes, d’exécutions extra-judiciaires, de détentions arbitraires et de disparitions forcées pendant ses 22 ans de pouvoir.
Après six semaines d’une crise à rebondissements, il a finalement dû quitter son pays en janvier 2017 à la suite d’une intervention militaire et diplomatique régionale. Interrogé début 2018 sur une éventuelle demande d’extradition de Yahya Jammeh, Adama Barrow a répondu qu’il attendrait la fin des travaux de la TRRC pour se prononcer.