Malgré un embargo de l’ONU, les armes continuent d’affluer vers les deux camps rivaux en Libye, où l’assaut des troupes du maréchal Khalifa Haftar sur Tripoli risque plus que jamais de virer à la guerre par procuration entre puissances régionales.
L’ONU avait imposé un embargo sur les armes depuis la révolte de 2011 qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi. Mais les forces du Gouvernement d’union nationale (GNA) ont brisé un tabou samedi en annonçant avoir reçu des « blindés, des munitions et des armes qualitatives ». Si elles n’ont pas précisé le pays d’origine, elles ont publié des photos de dizaines de blindés turcs BMC Kirpi sur le quai du port de Tripoli.
En consultant les sites de navigation maritime, on peut identifier le navire battant pavillon moldave qui les transportait, parti de Turquie et propriété d’une compagnie turque. « La Turquie semble assumer totalement » ce soutien, commente Arnaud Delalande, consultant sur les questions de défense et spécialiste de la Libye, cité par l’AFP.
Et « la livraison ce dimanche de blindés de fabrication jordanienne (KADDB Al-Mared 8×8 APC) à l’Armée nationale libyenne (ANL, autoproclamée par Khalifa Haftar) démontre qu’aucune des deux parties n’envisage de céder », ajoute-t-il, évoquant la perspective d’« une guerre d’usure ». Des comptes Facebook pro-Haftar ont publié dimanche des photos et vidéos, non authentifiées, de ces blindés jordaniens prétendument livrés à l’ANL.
La médiatisation du soutien turc pourrait toutefois accélérer la course à l’armement, selon les experts, notamment en incitant les pays pro-Haftar à renforcer leur aide à l’ANL.
Khalifa Haftar, l’homme fort de la province orientale, est soutenu notamment par les Émirats arabes unis et l’Égypte. À l’inverse, la Turquie et le Qatar lui sont hostiles et appuient les forces loyales au GNA de Fayez Al-Sarraj, reconnu par la communauté internationale et basé à Tripoli.
Le 4 avril, après avoir gagné des positions dans le sud libyen, Khalifa Haftar a lancé un assaut en direction de Tripoli, avec l’espoir d’une conquête rapide de la capitale. Mais ses troupes se sont heurtées à une résistance plus farouche que prévue des forces pro-GNA, aidées par divers groupes armés de l’Ouest.
Depuis, les positions militaires sont figées aux portes de la capitale, où des combats d’intensité modérée persistent en banlieue sud.
Notons que depuis début avril, les combats ont fait plus de 450 morts, 2.000 blessés et près de 70.000 déplacés, selon les agences de l’ONU. Les appels de la communauté internationale à une trêve et au dialogue ont été ignorés des deux côtés.