Le Président Félix Tshisekedi

En Afrique, les révisions constitutionnelles visant à prolonger le mandat présidentiel des chefs d’État sont devenues un phénomène récurrent. Si ces initiatives suscitent souvent des controverses, leurs résultats varient considérablement selon le contexte et la gouvernance. Alors que certains cas, comme au Rwanda ou en Côte d’Ivoire, ont favorisé la stabilité et le développement, d’autres, notamment en Guinée ou au Burkina Faso, ont débouché sur des crises politiques majeures. Aujourd’hui, la République démocratique du Congo (RDC) se trouve à un moment charnière. Avec une proposition de modification constitutionnelle qui pourrait permettre au président Félix Tshisekedi de briguer un troisième mandat, la RDC a l’opportunité de redéfinir son avenir politique et économique.

Les Leçons des Changements Constitutionnels en Afrique

L’histoire récente de l’Afrique regorge d’exemples de révisions constitutionnelles. Cependant, leur succès dépend souvent des motivations des dirigeants, des mécanismes mis en place pour les justifier et de la manière dont elles sont perçues par les populations.

Au Rwanda, la révision de 2015, soutenue officiellement par une consultation populaire, a permis à Paul Kagame de prolonger son leadership. Ce changement s’est traduit par une stabilité politique et une croissance économique soutenue, le Rwanda devenant un modèle pour de nombreux pays africains. En Côte d’Ivoire, malgré les tensions autour de la réforme constitutionnelle de 2016, le pays a maintenu un cap économique positif grâce à la continuité du pouvoir et à des réformes structurelles.

D’autres tentatives ont toutefois plongé des nations dans l’instabilité. En Guinée, la révision constitutionnelle de 2020, initiée par Alpha Condé, a non seulement provoqué des manifestations violentes mais a aussi entraîné un coup d’État militaire en 2021. Au Burkina Faso, Blaise Compaoré a tenté de modifier la Constitution en 2014 pour se maintenir au pouvoir, mais les mobilisations populaires ont fait échouer son projet, provoquant sa chute et une crise politique prolongée.

Des cas comme celui de l’Ouganda, où Yoweri Museveni a successivement éliminé les limites de mandats et d’âge, montrent également comment l’absence de consensus peut éroder la légitimité des institutions.

Ces expériences soulignent que la clé d’un changement constitutionnel réussi réside dans la capacité des dirigeants à mobiliser un consensus national et à mettre en place des réformes visibles qui bénéficient à la population.

 

Un Moment Stratégique et Unique pour la RDCContrairement à d’autres pays, la RDC occupe aujourd’hui une position stratégique sans précédent sur la scène mondiale. La transition énergétique, qui marque la sortie progressive des énergies fossiles au profit de l’électricité, place la RDC au cœur des enjeux économiques et environnementaux. Le pays détient plus de 70 % des réserves mondiales de cobalt, un composant essentiel pour les batteries électriques, ainsi que des gisements de cuivre et de métaux rares indispensables à l’industrie technologique.

Ce contexte confère à la RDC une opportunité historique : devenir un acteur clé de la transition énergétique mondiale. Cependant, pour exploiter ce potentiel, le pays doit garantir une stabilité politique durable, attirer des investissements massifs et renforcer ses institutions.

Le Leadership Continu de Tshisekedi : Une Chance pour la RDCSous la présidence de Félix Tshisekedi, la RDC a amorcé des réformes significatives, mais beaucoup reste à faire. Une gouvernance stable et prolongée pourrait permettre de consolider les acquis et de relever les nombreux défis qui entravent encore le développement de la RDC, tels que la lutte contre l’insécurité dans l’est du pays, la modernisation des infrastructures et la lutte contre la corruption.

Stabilité et attractivité économique : En prolongeant son mandat, Tshisekedi pourrait garantir une continuité dans la mise en œuvre des politiques économiques et sociales. Cela rassurerait les investisseurs internationaux, essentiels pour développer les infrastructures et exploiter de manière durable les ressources stratégiques du pays.

  1. Renforcement des institutions :Le temps supplémentaire pourrait être utilisé pour renforcer les institutions démocratiques et judiciaires, créant ainsi un environnement plus résilient et moins dépendant de la personnalité du dirigeant.
  2. Position géopolitique :Avec ses vastes ressources naturelles et sa position stratégique en Afrique centrale, la RDC pourrait jouer un rôle clé dans les relations internationales. Un leadership prolongé et stable renforcerait la capacité du pays à négocier avec les grandes puissances, notamment sur des questions comme l’exploitation minière responsable et le développement durable.

 

Les Risques d’Instabilité et l’Importance de l’Intérêt NationalToutefois, la tentative de modification constitutionnelle n’est pas sans risques. Elle pourrait exacerber les tensions politiques internes, notamment en raison de l’accord existant entre Tshisekedi et Vital Kamerhe, un acteur politique clé de la coalition au pouvoir. Une rupture de cet accord pourrait entraîner des divisions au sein de la majorité et raviver les rivalités politiques.

Cependant, Kamerhe, comme les autres leaders politiques du pays, doit considérer l’intérêt supérieur de la RDC avant ses ambitions personnelles. Le contexte actuel exige une unité nationale et une vision partagée pour garantir que cette opportunité historique ne soit pas gâchée par des querelles partisanes.

 

Les Conditions du Succès : Transparence et Adhésion PopulairePour que cette réforme constitutionnelle réussisse, elle doit être menée avec une grande intelligence politique. Trois éléments clés sont indispensables :

  • Communication efficace : Le gouvernement doit expliquer clairement au peuple congolais les bénéfices de cette réforme, en mettant en avant les opportunités économiques et les perspectives de développement national.
  • Consensus national : La réforme doit être présentée comme un projet d’intérêt général et non comme une initiative personnelle. Un dialogue inclusif avec les partis d’opposition, la société civile et les chefs religieux est essentiel.
  • Gestion exemplaire : La lutte contre la corruption, l’amélioration des infrastructures publiques et la sécurisation des zones minières doivent rester des priorités pour démontrer que ce changement sert réellement le bien commun.

Conclusion

La proposition de réforme constitutionnelle en RDC intervient à un moment crucial, où le pays peut transformer ses ressources naturelles stratégiques en moteur de développement et de prospérité. Si elle est menée avec intelligence, transparence et sens du consensus, cette initiative pourrait stabiliser le pays, renforcer son rôle géopolitique et inspirer un modèle de gouvernance positive en Afrique.

En définitive, la RDC a une chance historique de s’affirmer comme une puissance clé de la transition énergétique mondiale. À condition de bien gouverner et de surmonter les obstacles internes, ce troisième mandat de Tshisekedi pourrait être l’impulsion nécessaire pour réaliser ce potentiel.