L’ancien chef de l’État ivoirien, Henri Konan Bédié avec l’ex-Président Laurent Gbagbo.

L’histoire va-t-elle se réécrire, à l’envers, si on peut dire, avec cette fois un front Bédié/Gbagbo contre Ouattara ? Alors qu’en 2010, Bédié avait choisi de se liguer avec Ouattara pour faire tomber Gbagbo.


Entre ces trois mastodontes de la politique ivoirienne, des inimitiés tenaces existent qui expliquent des changements d’alliance qui semblent défier le simple bon sens. Mais, le désir de vengeance est humain et la guerre politique autorise toutes les armes possibles et disponibles pour éliminer l’adversaire.

Bédié a envoyé deux émissaires à Gbagbo, en Belgique, où il réside. Il s’agit de Maurice Kakou, secrétaire exécutif du PDCI et Chrysotome Blessy, avocat du parti, tous deux membres de l’ethnie Bété, comme Gbagbo. Ce dernier a donné son accord de principe pour participer à la « plateforme de l’opposition » que tente de monter Bédié. Démocratie ou pas, « la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens » comme l’affirme Clausewitz.

L’axe qui est entrain de se mettre en place était prévisible, dès la rupture du pacte Bédié/Ouattara. Le premier s’estime trahi et déconsidéré, lorsque Ouattara a reconduit les ministres PDCI de son gouvernement sans l’en informer.

Sa colère a explosé avec l’action entreprise par Ouattara de mettre sur pied le RHDP (rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix), contre vents et marées, en piétinant l’accord secret qui les liait et qui prévoirait une alternance RDR/PDCI au pouvoir.

C’est ce que Bédié affirme et Soro serait témoin du deal scellé au cours d’une réunion où seraient présents les trois protagonistes. Dans une telle perspective, l’analyse aboutit à une jonction avec Soro qui a, lui aussi quitté le navire du pouvoir Ouattara. Et qui a déjà rencontré Bédié, à plusieurs reprises, et même avant d’acter sa rupture.

Un front « tous contre Ouattara » se dessine et, avec des nuages sombres commencent à s’accumuler dans le ciel ivoirien. La guerre civile qui a ensanglanté le pays est encore fraîche dans les mémoires et les plaies béantes n’ont pas encore cicatrisé.

La montée actuelle des périls devrait pousser tous les patriotes panafricanistes et les amis du continent à prendre langue avec les « ennemis déclarés » pour essayer d’éviter un emballement aux conséquences désastreuses. Non seulement pour la Côte d’Ivoire, mais pour tout le continent, en commençant par région occidentale.

La Côte d’Ivoire est le moteur économique principal de l’UEMOA (union économique et monétaire ouest-africaine) ; Elle a un taux de croissance qui explose (prévu à 7,5% en 2019), dopé par les exportations de cacao (le FISC a encaissé 390 milliards en 2018) et les investissements publics pilotés, avec dextérité, par un président de la République, Ouattara, économiste réputé, ancien fonctionnaire du FMI et ancien directeur général de la BCEAO (banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest).

C’est ce boom économique exceptionnel qui est menacé, si jamais, le conflit politique, en cours, atteint un point de non retour. Il urge donc d’agir maintenant pour calmer le jeu, car c’est encore possible.

Le choc des égo est inévitable dans le marigot politique, mais il y a encore de la place pour un « compromis dynamique ». Toutefois le temps est compté.