Les représailles commerciales chinoises sur l’aéronautique, le soja et l’automobile touchent le cœur de l’économie des États-Unis où des voix s’élèvent pour dénoncer l’escalade des tensions qui affecteront consommateurs et entreprises américaines.
En réponse à la publication, mardi, par l’administration Trump d’une liste provisoire de produits importés de Chine, susceptibles d’être soumis à de nouveaux droits de douane, Pékin a répliqué avec sa propre liste visant des importations du même montant annuel de 50 milliards de dollars.
« Cette liste cible des produits de différents secteurs dont l’aéronautique, les technologies de l’information et de la communication, ou encore la robotique et les machines », a expliqué le représentant américain au Commerce (USTR) Robert Lighthizer dans un communiqué.
« La liste proposée de produits est basée sur des analyses économiques fouillées et devrait viser les produits qui profitent aux projets industriels de la Chine, tout en minimisant l’impact sur l’économie américaine », a-t-il ajouté. La liste provisoire identifie quelque 1300 biens mais elle reste soumise à un processus d’examen d’au moins 30 jours avant la publication d’une liste définitive.
La Chine répond d’emblée
En réponse, le ministère chinois du Commerce a brocardé dans un communiqué un comportement totalement infondé, typiquement unilatéraliste et protectionniste, auquel la Chine s’oppose en le condamnant fermement. Cette déclaration du ministère fait écho à un communiqué de l’ambassade de Chine à Washington, qui avait condamné un peu plus tôt ces mesures unilatérales et protectionnistes qui violent les principes fondamentaux et les valeurs de l’OMC.
Pour l’ambassade, ces mesures ne servent ni les intérêts de la Chine, ni ceux des États-Unis et encore moins ceux de l’économie mondiale.
Selon elle, Pékin utilisera la procédure des règlements des conflits de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour y répondre et prendra des mesures correspondantes de même ampleur et importance contre des produits américains.
Il est à rappeler que le président Donald Trump a signé le 22 mars un mémorandum ciblant l’agression économique de la Chine. Il avait alors évoqué des mesures punitives contre des importations chinoises d’un montant pouvant atteindre 60 milliards de dollars, pour mettre un terme à ce qu’il affirme être la concurrence déloyale de Pékin et le vol de propriété intellectuelle. Il avait chargé l’USTR de lui soumettre une liste provisoire sous quinze jours, soit avant jeudi.
L’offensive ne cesse d’empirer
Les États-Unis, dont la compétitivité dépend de leur capacité à innover, ont ouvert en août 2017 une enquête au titre de l’article 301 de leur législation commerciale sur des violations supposées des droits de propriété intellectuelle.
Washington s’inquiète en particulier du système de co-entreprises imposé par Pékin aux entreprises américaines: en contrepartie d’un accès au marché chinois, ces firmes sont obligées de partager avec des partenaires locaux une partie de leur savoir-faire technologique.
L’annonce de mardi intervient alors que l’offensive commerciale entre Washington et Pékin était déjà montée d’un cran cette semaine. Le géant asiatique a en effet annoncé lundi avoir pris des mesures de rétorsion contre 128 produits américains dont des fruits et la viande de porc représentant quelque trois milliards de dollars. Il répondait à l’imposition le 8 mars de taxes américaines de 25% sur les importations d’acier et de 10% sur celles d’aluminium.
La Chine a encore des cartes à jouer
Le géant asiatique a parallèlement demandé aux États-Unis d’abandonner au plus vite leurs mesures enfreignant les règles de l’OMC, et à cesser ce qu’il a qualifié d’intimidation économique.
Jusqu’à présent, Pékin a pris soin de ne pas s’attaquer à des produits agricoles majeurs, comme le soja américain, pour qui la Chine est le principal débouché, ou à des compagnies industrielles stratégiques telles que le constructeur aéronautique Boeing.
« Les Chinois pourraient sortir l’artillerie lourde : le soja et Boeing », a réagi Monica De Bolle, spécialiste du commerce international au Peterson Institute for International Economics.
Quant à Edward Alden, expert en commerce international au “Council on Foreign Relations”, avait souligné que les premières mesures de rétorsions annoncées par la Chine lundi, étaient d’autant plus significatives, que c’est le premier pays à rétorquer concrètement à Washington. « Cela montre que les Chinois vont frapper en retour face à d’autres représailles américaines », avait-il également estimé.
Par ailleurs, le conseil économique sino-américain, qui regroupe des entreprises américaines commerçant avec la Chine, a mis en garde mardi contre des actions qui pourraient se traduire par des recours à l’OMC donnant ensuite raison à Pékin.