Les annonces d’Abdelaziz Bouteflika faites suite à son retour de Genève, ont laissé la population “abasourdie”.

Coup de théâtre en Algérie ! Après d’intenses manifestations de rue, le président Abdelaziz Bouteflika adresse un message écrit à la nation pour dire “qu’il reportait l’élection présidentielle du 18 avril et qu’il ne serait pas candidat à un cinquième mandat. Une conférence nationale inclusive et indépendante se tiendra avant fin 2019, ainsi que la formation d’un Gouvernement de Compétences nationales“. Dans la foulée, l’ancien ministre de l’Intérieur Noureddine Bédoui est promu Premier ministre et l’ancien ministre des Affaires étrangères et ancien Haut fonctionnaire de l’Organisation des Nations unies, Ramtane Lamamra, vice-premier ministre chargé des Affaires étrangères !

À y voir de près, personne n’aura perdu dans cette valse politique à l’Algérienne, tout comme personne n’a encore gagné. Le peuple algérien qui protestait contre un éventuel 5ème mandat du président Bouteflika, vient d’enregistrer une victoire à demi-teinte.

Bouteflika renonce à se présenter pour un 5ème mandat. Cependant, il reporte la présidentielle qui devrait se tenir le 18 avril 2019. Autrement dit, il s’arroge subtilement son mini mandat, afin de mener les réformes constitutionnelles nécessaires.

Il nomme et promeut son ministre de l’Intérieur, le technocrate Noureddine Bédoui au poste de Premier ministre et fait revenir l’ancien diplomate Ramtane Lamamra au poste de vice-premier ministre, chargé des Affaires étrangères. Or, ces deux personnalités sont connues pour leur proximité avec Bouteflika. N’est-ce pas une manière de proroger son 4ème mandat, à défaut de pouvoir briguer un 5ème mandat ?

Ces deux personnalités étaient déjà citées comme de potentiels candidats sérieux au poste de directeur de campagne de Bouteflika, en cas de candidature pour un 5ème mandat.

Cependant, la lettre de Bouteflika au peuple frondeur ne manque pas d’intérêt. Il annonce à l’entame de son épître qu'” il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi, mon état de santé et mon âge ne m’assignant comme ultime devoir envers le peuple algérien que la contribution à l’assise des fondations d’une nouvelle République en tant que cadre du nouveau système algérien que nous appelons de tous nos vœux “, écrit-il.

L’on peut quand même se demander, pourquoi pas laisser le peuple algérien, décider librement et souverainement de “ cette nouvelle République et ce nouveau système qui seront entre les mains des nouvelles générations d’Algériennes et d’Algériens qui seront tout naturellement les principaux acteurs et bénéficiaires de la vie publique et du développement durable dans l’Algérie de demain “?

En décidant “ qu’il n’y aura pas d’élection présidentielle le 18 avril prochain “, le président Bouteflika satisfait certes, à une demande pressante des Algériens, mais, n’est-ce pas aussi, une manière détournée de s’arroger un 5ème mini mandat, que ce même peuple lui refusait ?

L’un des paragraphes qui fait peur dans la missive du président, est celui relatif à des promesses sur un nouveau mode de gouvernance, plus conforme aux aspirations des Algériens : “ Dans la perspective d’une mobilisation accrue des pouvoirs publics et du rehaussement de l’efficacité de l’action de l’État dans tous les domaines, j’ai décidé de procéder tout prochainement à des changements importants au sein du Gouvernement. Ces changements constitueront une réponse adéquate aux attentes dont vous m’avez saisi, ainsi qu’une illustration de ma réceptivité à l’exigence de reddition de comptes et d’évaluation rigoureuse dans l’exercice des responsabilités à tous les niveaux et dans tous les secteurs “, proclame-t-il.

Bouteflika tente de rassurer par l’organisation d’une “ Conférence nationale inclusive et indépendante qui sera une enceinte dotée de tous les pouvoirs nécessaires à la discussion, l’élaboration et l’adoption de tous types de réformes devant constituer le socle du nouveau système que porte le lancement du processus de transformation de notre État-nation, que j’estime être ma mission ultime en parachèvement de l’œuvre dont Dieu Tout-Puissant m’a accordé la capacité et pour laquelle le peuple algérien m’a donné l’opportunité “.

Il poursuit : ” L’élection présidentielle qui aura lieu dans le prolongement de la conférence nationale inclusive et indépendante sera organisée sous l’autorité exclusive d’une commission électorale nationale indépendante dont le mandat, la composition et le mode de fonctionnement seront codifiés dans un texte législatif spécifique qui s’inspirera des expériences et des pratiques les mieux établies à l’échelle internationale. La création d’une commission électorale nationale indépendante est décidée pour répondre à une revendication largement soutenue par les formations politiques algériennes ainsi qu’à une recommandation constante des missions d’observation électorale des Organisations internationales et régionales invitées et reçues par l’Algérie lors des consultations électorales nationales précédentes “, rassure-t-il.

De même, le président Bouteflika se prononce sur la nature et les missions du prochain gouvernement : “ il sera formé un Gouvernement de compétences nationales bénéficiant du soutien des composantes de la Conférence nationale. Ce Gouvernement assumera la supervision des missions de l’administration publique et des services de sécurité et apportera sa pleine collaboration à la commission électorale nationale indépendante “.

En clair, Bouteflika et les réseaux qui le soutiennent ont certainement fini par céder lorsqu’il y a deux jours, les anciens combattants de la guerre de libération, aussi légitimes que Bouteflika, se sont joints aux manifestants, pour manifester leur opposition à un 5ème mandat.

La victoire du peuple est loin d’être définitive, d’autant que le jeu des caciques du pouvoir reste ouvert et pourrait déboucher sur des scénarii dont l’issue finale dépendrait de la fermeté et de la vigilance du peuple combattant d’Algérie.