Après la mort du pape François, l’éventualité de voir élu un pape africain lors du prochain conclave n’est plus une simple spéculation, mais une possibilité réelle, renforcée par le dynamisme exceptionnel du catholicisme africain et l’émergence de cardinaux africains influents. Cet article explore de manière approfondie les chances concrètes de plusieurs prétendants africains majeurs, la vitalité croissante du catholicisme en Afrique, ainsi que les implications historiques et géopolitiques d’une telle élection.

Depuis un siècle, le centre de gravité du catholicisme mondial s’est progressivement déplacé vers l’Afrique. Aujourd’hui, le continent compte environ 265 millions de fidèles, représentant plus de 20 % des catholiques dans le monde. Cette croissance rapide contraste fortement avec le déclin observé en Europe, où les séminaires peinent à recruter. En Afrique, à l’inverse, les vocations sacerdotales explosent, avec des taux d’assistance à la messe parmi les plus élevés au monde, notamment au Nigeria et au Kenya.

Cette vitalité n’est pas passée inaperçue au Vatican. Les récents papes, Benoît XVI et François, ont tous deux qualifié l’Afrique de « poumon spirituel » de l’Église universelle. François, en particulier, a considérablement accru la représentation africaine au sein du Collège cardinalice, ouvrant la porte à une potentielle élection africaine au prochain conclave.

Parmi les cardinaux africains susceptibles d’être élus pape, plusieurs noms se détachent clairement.

Le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, archevêque de Kinshasa âgé de 65 ans, est l’un des favoris. Son rôle influent à la tête d’une des plus grandes communautés catholiques du monde et à la présidence du SECAM en fait une figure de premier plan. Ambongo est connu pour sa position conservatrice modérée, notamment sur les questions doctrinales sensibles comme les bénédictions des couples homosexuels, ce qui pourrait lui valoir des soutiens parmi les électeurs conservateurs du conclave. Son franc-parler politique, particulièrement contre la corruption et les abus en RD Congo, lui a aussi valu une certaine aura morale. Toutefois, son manque relatif d’expérience à Rome et sa discrétion médiatique à l’international pourraient limiter ses chances.

Le cardinal ghanéen Peter Kodwo Appiah Turkson, âgé de 76 ans, dispose également d’atouts considérables. Ancien président du dicastère pour le Développement humain intégral et acteur central de l’encyclique écologique « Laudato Si’ », Turkson possède une expérience romaine solide et un profil universel apprécié. Son engagement envers la justice sociale et le développement durable en fait un candidat idéal pour poursuivre l’œuvre du pape François tout en assurant une certaine continuité doctrinale. Cependant, sa démission du dicastère en 2021, ainsi que son âge relativement avancé, pourraient nuire à sa candidature, faisant de lui un choix de compromis potentiel en cas de blocage entre d’autres candidats.

 

Dieudonné Nzapalainga, cardinal centrafricain de 58 ans et archevêque de Bangui, se distingue par sa jeunesse et son expérience unique de réconciliation interreligieuse dans un contexte de guerre civile. Sa candidature symboliserait un renouveau significatif pour l’Église catholique, notamment en raison de sa réputation d’homme de paix et d’ouverture. Cependant, son jeune âge et son manque d’expérience au sein de la Curie romaine constituent des obstacles majeurs, et il apparaît davantage comme une figure d’avenir que comme un successeur immédiat plausible.

Bien que dépassant légèrement l’âge limite canonique, le cardinal guinéen Robert Sarah, 80 ans, demeure une figure influente dans les cercles conservateurs de l’Église. Ancien préfet de la Congrégation pour le Culte divin, il représente une continuité doctrinale stricte qui plaît à un certain courant du collège cardinalice. Cependant, son âge avancé et son image polarisante le rendent peu susceptible d’être élu, malgré le prestige moral dont il jouit.

D’autres cardinaux africains, tels que Stephen Brislin d’Afrique du Sud, Protase Rugambwa de Tanzanie ou John Onaiyekan du Nigeria, sont également mentionnés comme papabili potentiels, bien que leurs chances soient jugées plus modestes par rapport aux figures mentionnées précédemment.

 

L’élection d’un pape africain aurait des répercussions historiques considérables. Ce serait le premier pape subsaharien de l’histoire moderne, symbole fort de l’universalité de l’Église catholique. Une telle élection représenterait une reconnaissance de l’essor spirituel remarquable de l’Afrique et pourrait constituer une source immense d’inspiration pour les fidèles du Sud global. Cela renforcerait aussi l’identification des fidèles africains, asiatiques ou latino-américains à une Église incarnée par un leader issu d’un contexte similaire au leur.

 

Sur le plan géopolitique, un pape africain pourrait introduire de nouvelles priorités dans l’agenda international du Vatican, telles que la lutte contre la pauvreté, les inégalités Nord-Sud, le changement climatique et la persécution religieuse. Le dialogue interreligieux, en particulier avec l’islam, bénéficierait aussi d’une expérience accrue d’un pape ayant œuvré dans un contexte multireligieux complexe.

La relation entre l’Église du Nord et celle du Sud pourrait également évoluer favorablement. Un pape africain pourrait encourager un dialogue plus équilibré et interculturel, mettant en avant les spécificités et les préoccupations des Églises du Sud tout en insistant sur l’unité universelle du catholicisme.

Au Vatican même, un pape africain pourrait poursuivre l’œuvre de diversification entamée par François, bien que cela impliquerait de surmonter certains clichés ou préjugés culturels persistants. Ce changement pourrait renforcer l’internationalisation de la Curie, permettant à l’Église d’évoluer dans une direction véritablement polycentrique.

La question reste ouverte quant à savoir si le prochain conclave élira effectivement un cardinal africain. Les conclaves sont notoirement imprévisibles, et malgré des candidats sérieux, rien ne garantit que le choix se portera nécessairement sur l’Afrique cette fois-ci. Toutefois, l’influence croissante de l’Afrique dans l’Église catholique est désormais indéniable, et même si un pape africain n’est pas élu immédiatement, l’Afrique semble destinée à jouer un rôle toujours plus central dans l’avenir proche.

En conclusion, l’élection éventuelle d’un pape africain serait un événement majeur, chargé de significations profondes tant pour l’Église catholique que pour la communauté internationale. Si elle n’est pas encore certaine, cette éventualité reflète une évolution majeure du catholicisme contemporain vers un équilibre plus global, inclusif et diversifié. Le prochain conclave, quel que soit son résultat, témoignera de cette transformation fondamentale.