La tuerie de la forêt de Bofa et le viol de touristes espagnoles en Casamance secouent, à nouveau, une région sénégalaise en proie à une rébellion vieille de 36 ans.

En vérité cette rébellion s’est assoupie, si on peut dire, depuis un moment car le processus de paix engagé entre les factions irrédentistes et le gouvernement semble irréversible. D’abord parce que les insurgés n’ont plus de raisons objectives de continuer leur combat, ils n’ont plus de leader historique(l’abbé Diamacoune Senghor qui l’a fait naître étant décédé) et ont trouvé de nombreux points d’accord avec le gouvernement sénégalais.

La médiation de Saint Eglio a beaucoup fait progresser les négociations de paix qui devraient être finalisées cette année. Tous les signaux sont au vert et les évènements tragiques qui viennent de se produire sont à contre-courant du chemin d’espoir entrain d’être tracé.

C’est pour quoi une lecture approfondie de la situation s’impose au vu des révélations de l’enquête des forces de sécurité qui implique des éléments d’une faction du MFDC dans le massacre de Bofa.

D’ailleurs un porte-parole de cette faction dont le leader est Salif Sadio a été arrêté. Il avait auparavant fait une déclaration pour écarter toute implication du MFDC. Mais les relevés téléphoniques obtenus par les enquêteurs ont permis d’identifier certains des auteurs qui ont été interpelés.

Salif Sadio, lui-même avait disculpé le MFDC ; mais avait aussi, dans une interview accordée à une radio, affirmé qu’il continuerait à donner des « autorisations pour la coupe de bois ». Il a ainsi avoué être mêlé à ce trafic illicite qui ravage la forêt casamançaise et auquel participe de nombreux délinquants. L’ex-dictateur gambien Yaya Jammeh était leur parrain et des étrangers dont des chinois étaient les receleurs qui achetaient ce bois et l’exportaient.

Ce trafic de bois est emblématique de ce qu’il faut bien appeler le dévoiement de la rébellion. Celle-ci n’a jamais été crédible ni dans ses causes mises en exergue ni dans ses justifications idéologiques. Il est vrai que malheureusement beaucoup de personnes y ont trouvé la mort. Et il faut le regretter.

Aujourd’hui la Casamance n’est plus gangrénée par la rébellion ; mais par du banditisme de grand chemin. La couverture MFDC(forces démocratiques de Casamance) est une cagoule pour des criminels engagés dans les trafics de bois, de drogue, de ventes d’armes etc.

Cette dérive est difficile à réduire car des intérêts obscurs sont en jeu et, avec beaucoup d’argent. Les délinquants impliqués ont beaucoup à perdre et vont tout faire pour retarder le processus de paix. Ils ne sont pas les seuls car les « médiateurs nationaux » qui vivent de la crise ne souhaitent pas vraiment qu’elle prenne fin. Cela leur ôterait le pain de la bouche.

Ces gens-là parlent toujours des « négociations de paix en bonne voie » mais jamais d’une signature définitive d’un accord de paix, avec le retour des maquisards cantonnés dans des lieux en forêt. Tant que ce saut décisif n’est pas fait, le banditisme va continuer. Les malfaiteurs se confondant aux rebelles.

La seule solution efficace est de crever l’abcès en menant l’enquête sur le massacre de Bofa jusqu’au bout pour arrêter et traduire en justice toutes les personnes impliquées. L’Etat ne doit pas reculer même si cela risque de raviver la tension temporairement. La forêt de Casamance ne doit pas être une zone de non-droit où tous les crimes pourraient être passés par pertes et profits. Non !

Le prix de la paix c’est la justice, une paix réelle et durable.