Malgré tous les efforts consentis par les autorités sénégalaises afin de lutter contre la corruption dans le pays, le fléau subsiste encore au niveau de certaines institutions. Toutefois, la vigilance des autorités à permis le démantèlement d’une nouvelle cellule aux agissements mafieux. Selon des documents bancaires relatifs aux entreprises en charge jadis de la gestion de l’aéroport international Blaise Diagne et de celui de Léopold Sédar Senghor à Dakar, des magouilles et des dysfonctionnements majeurs ont entaché la gestion ces dernières années.

Actuellement entendu par la commission d’instruction de la Cour de répression de l’enrichissement illicite le directeur général de la société Daport, filiale de la société Fraport en charge de la gestion du nouvel aéroport international Blaise Diagne, n’a pas hésité à livrer aux magistrats de la commission toutes les informations dont il disposait, mettant ainsi la lumière sur un système complexes visant en premier lieu l’exploitation des ressources des deux aéroports à des fins personnelles.

En effet, le directeur Ulrich Heinz Jorge Heppe, à la tête de Darport depuis 2012 semble tout ignorer sur la création de l’entreprise qu’il dirige. Selon les premiers éléments de l’enquête, M.Heppe aurait assurer devant les juges que tout ce qu’il savait est que l’entreprise a été lancé en 2006. «Tout ce que je sais, est que c’est en 2006 qu’elle a été constituée, tel que cela résulte des documents dont j’ai pu prendre connaissance. À l’heure actuelle, je suis la seule personne qui travaille directement pour Daport Sa à laquelle j’ai été prêté par Fraport qui est mon employeur. La société n’a pas encore d’employés pour la bonne et simple raison que l’aéroport international Blaise Diagne, qu’elle doit gérer, n’est pas encore fonctionnel » lit-on sur le premier PV de cette audience.

Revenant sur le montage financier de l’entreprise, M.Heppe à affirmé devant les enquêteurs que Fraport, à partir du mois de juillet 2013, est devenu seul actionnaire de la société Afriport et qui détient à son tour 100% du capitale de Darport SA. Un montage qui n’a pas toujours eu cette forme. En effet, si Darport a toujours été détenue complètement par Afriport, cette dernière avait un tour de table composé de Fraport à 10% seulement au moment où la société Contact Flughafen Konzessions GmbH détenait les 90% restant. Selon les explications données par M.Heppe cette entreprise était majoritairement détenu par un industriel allemand . « Cette dernière société était détenue à 90% par l’industriel allemand, Lothar Elbel, et à 10% par General air service. Dans un premier temps, le capital d’Afriport a évolué en janvier 2013, si je ne m’abuse. Ainsi les actions de Fraport sont passées de 10% à 60%, tandis que celles de Contrac sont passées de 90% à 40%. C’est en juillet 2013 que Fraport a acquis 100% des actions de Fraport », lit-on sur le PV de l’audience.

La citation de l’industriel allemand Lothar Elbel lors de cette audience oriente cette affaire vers de nouveaux horizons. En effet, étant lui-même le propriétaire de la société Contarc, en charge de la fabrication des bus « Cobus » utilisés dans le transport des passager dans l’enceinte de l’aéroport international Léopold Sédar Senghor à Dakar. En rapport avec cette affaire, un document portant la signature de la banque Julius Bär de Monaco atteste également que la société Général air service est la propriété de trois personne, à savoir : Brahim Aboukhalil, Karim Aboukhalil et Mamadou Pouye.

Des noms assez intrigants. En effet, M.Heppe à affirmé avoir rencontre Ibrahim Aboukhalil mais sous un autre nom. «(…) je n’ai connu que le nommé Bibo Bourgi que vous me dites se nommer en réalité Ibrahim Aboukhalil que je n’ai rencontré qu’une fois en Allemagne au cours d’un voyage d’affaires. Au cours de ce voyage, j’ai compris à travers les déclarations de Lothar Elbel que M. Bibo Bourgi était un conseiller et un partenaire en affaires dans le cadre des bus Cobus qui transportent les passagers de l’aérogare aux avions» à rapporté le DG de Darport dans ces déclarations.

Et ce n’est pas tout. En effet, cette affaire n’a toujours pas livré tous ses secrets. Le document de la banque monégasque révèle également que la SA Afriport avait ouvert un compte bancaire quelque jours seulement avant la création de Darport en 2006. Les bénéficiaires de ce compte ne sont d’autres que les trois personnalités citées en plus de la société Fraport. Une donnée qui a interpellé les juges qui instruisent cette affaire. Pour leur répondre le dirigeant de Darport n’a pas hésité à nier tout rapport avec cette affaire. «Je ne suis pas au courant de l’ouverture de ce compte parce que je n’étais pas encore à Daport. Cependant, c’est bizarre pour moi de voir Fraport Sa parce que notre société s’appelle Fraport Ag mais je précise qu’Ag (Aktiengesellschaft) signifie quand même en allemand société anonyme.» a-t-il répondu.

Ce compte, constituant une vraie énigme, interpellent les observateurs et ce sur plusieurs points. En effet si Lothar Elbel fait partie du tour de table de Afriport, il ne figure pas cependant sur la liste des bénéficiaires économiques du compte ouvert par cette société. Et pour ne rien arranger dans cette affaire, Alexander Zinell, qui est le PCA de Daport et employé de Fraport, apparaît non pas comme bénéficiaire économique du compte mais comme l’un des quatre mandataires dudit compte au côté de Alexandre Taskiran, Paul Van Lenden et Christian Buhlmann. Une autre surprise apparaît sur le document bancaire relatif à ce compte, le bénéficiaire économique d’Afriport est Fraport Ag qui est actionnaire d’Afriport à hauteur de 10%. Cette dernière y est représentée par Alexander Zinel comme administrateur, précisons-le.

S’agissant du capital de Darport, il est à constater qu’il a été augmenté à deux reprises. Ainsi, il est passé la première fois à 327 978 500 FCfa et la deuxième à 524 756 600 FCfa respectivement les 8 février et 6 juillet 2012 sans que cela n’ait entrainé́ le changement de l’immatriculation au Rccm ni une modification des statuts, notamment avec l’identification des actionnaires souscripteurs. Sur ce volet, le contrat d’assistance liant Fraport à Darport semble poser problème également. En effet, ne détenant que 10% du capital D’afriport, propriétaire de Darport, Fraport n’est pas en mesure, normalement, de passer ce contrat d’assistance technique.

Poussant les investigations à bout, les magistrats ont cherché à mieux comprendre la relation entre Darport et l’agence des aéroports du Sénégal. Dans ce sens, la réponse de M.HEPPE a porté sur les contrats liant les deux organismes. Ainsi dans ses réponses le responsable a affirmé qu’«Il y a un contrat de concession pour gérer le nouvel AIBD pour 22 ans signé le 22 décembre 2006 après un appel d’offres. Il y a un autre contrat de consultance signé en 2009 entre Daport et Ads pour rendre des services de consultance à Ads afin d’améliorer la gestion de l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Pour l’exécution de ce dernier contrat, Fraport envoie à Daport les experts compétents. Des experts de Fraport sont intervenus au niveau de Daport mais, compte-tenu du retard accusé dans les travaux d’AIBD, le Gouvernement du Sénégal, par lettre en date du 6 mai 2008 signé par le ministre Farba Senghor, a sollicité l’intervention desdits experts sur la plateforme de l’aéroport LSS pour en améliorer le management ».

Le mystère reste donc entier pour le moment. Liées, normalement, par une convention relative à la gestion, l’exploitation, l’entretien et la maintenance de l’aéroport international LSS, les deux entités avaient précisé que c’est Fraport qui avait créé une société de droit sénégalais dénommé Daport. A cette époque, le premier directeur de Darport se nommait Forian Mahler, qui relevait de Fraport. Il avait par la suite quitté ses fonctions pour rejoindre le cabinet d’avocats «Clifford Chance» et qui à pu obtenir des contrats pour des marchés estimés à plusieurs milliards notamment avec l’Agence de régulation des postes et des télécommunications.