Comme d’habitude, les chefs d’Etat membres de l’Union Africaine(UA) ont décidé de ne pas décider, désavouant au passage la Commission de l’organisation qui avait annoncé l’envoi de 5000 soldats au Burundi pour stabiliser la situation.
Choix lucide et courageux, puis rétropédalage
Ce choix lucide et courageux dont l’objectif était de stopper les massacres en cours dans le pays où un risque sérieux de génocide était signalé par l’ONU et de nombreuses ONG internationales avait été salué par tous les patriotes panafricains. La fermeté affichée par la Commission laissait penser qu’il y avait au moins déjà une approbation tacite des Chefs d’Etat.
Le rétropédalage des chefs d’Etat à l’occasion du 26ème sommet qui vient de se tenir à Addis Abeba démontre qu’il n’en était rien. Le président burundais Pierre Nkurunziza qui avait refusé l’injonction de la commission de l’UA a donc eu gain de cause, soutenu par ses pairs. Ces derniers rappellent ainsi à tous ceux qui voulaient l’oublier que de l’OUA à l’UA ce machin africain est d’abord et avant tout une forme de syndicat des Chefs d’Etat.
Les autocrates dictent leur loi aux démocrates
Les autocrates y sont plus forts que jamais et dictent leur loi à des démocrates, il est vrai nouveaux venus, frileux et timorés. Ils le sont d’autant plus qu’ils ont une durée de vie au pouvoir beaucoup plus limitée que celle des autocrates qui sont en compétition pour battre des records de longévité à la tête de leur Etat. Ce sont d’ailleurs des présidents comme Obiang Nguéma de la Guinée équatoriale – 36 ans au compteur, et candidat à un nouveau quinquennat – qui ont mené la charge contre le droit d’ingérence.
Le nouveau président en exercice, le Tchadien Idriss Déby Itno – plus d’un quart de siècle au pouvoir et candidat à un nouveau mandat – a défendu la même cause en précisant qu’il appartient au chef de l’Etat burundais de décider et de trouver une solution.
Il est ainsi demandé à un pyromane de jouer les sapeurs-pompiers.
L’ingérence occidentale, hantise des autocrates
La hantise de ces autocrates de l’Afrique Centrale et de la région des Grands Lacs est la mise en œuvre du droit d’ingérence qui menacerait leur propre pouvoir fondé sur l’utilisation abusive de la force, les intimidations et les fraudes électorales. Devant faire chacun face à des élections présidentielles cette année, la dernière des choses qu’ils souhaitent est que la communauté internationale vienne à se mêler de leurs affaires.
Si la boîte de Pandore du Burundi est ouverte, rien ne sera plus garanti, y compris la possibilité de frauder à huis-clos.
Cet enjeu est essentiel pour les autocrates de la région, et justifie qu’ils puissent jeter un voile pudique sur les crimes de masses en cours au Burundi où les Tutsi constituent la majorité des victimes.
Région fragile, UA à la traîne
Pourtant cette position est à courte vue car si la situation qui prévaut dans ce pays continue de se dégrader et que les charniers continuent de se multiplier, cela finira par éclabousser toute la région.
Quelle sera l’ampleur de l’impact avec ses conséquences sociales, économiques et géopolitiques ? Nul ne sait mais il est certain que cela sera préjudiciable à toute la région qui souffre déjà beaucoup des conflits violents, d’instabilité politique chronique et de prédation économique généralisée.
Le cas burundais démontre,encore une fois combien l’UA est impuissante, incapable même pour un petit pays d’agir rapidement et efficacement pour épargner des vies humaines. Elle est toujours à la remorque de l’ONU pour faire semblant de donner le change.
Pour une transformation e l’UA
Il est temps pour les présidents démocratiquement élus et qui sont des démocrates convaincus de peser de tout leur poids au niveau de l’UA pour transformer cette institution – qui est une chance pour l’Afrique et qui a grandement contribué à sa décolonisation et à la lutte contre l’Apartheid – pour qu’elle joue son vrai rôle au service des populations africaines. Et non de rester un jouet entre les mains de chefs d’Etat dont le seul souci est de rester au pouvoir pour en jouir.
L’UA doit se réinventer ou demeurer une coquille vide, comme malheureusement beaucoup d’institutions internationales.